éditions DCL
Dans son dernier livre, Pierre Poggioli
raconte la naissance de l'organisation clandestine qu'il a
dirigée pendant dix ans. A l'époque artisanale de la lutte
armée.
C'était le 6 décembre 1979. Il y a donc 26 ans.
Pierrot Poggioli, responsable du FLNC, alors en cavale,
participait à une opération commando contre un hôtel appartenant
à des Anglais, au sud de Porto Vecchio (corse du sud). Alors que
lui et ses « collaborateurs » avaient neutralisé la douzaine de
personnes se trouvant dans l'établissement, il était en train de
mettre en place le dispositif de mise en feu des explosifs. En
l'espèce, le détonateur qu'il n'avait pas encore, par
précaution, relié aux charges. Comme à l'habitude, il était en
train de sertir avec ses dents l'engin sur la mèche lente, une
opération qui doit théoriquement être accompli avec une pince.
Et alors qu'il allait opérer la jonction des pièces, une
première explosion s'est produite.
Sonné, il a vu soudain le sang perler sur ses
jambes truffées de petits bouts de fer. Aidé par le militant le
plus proche, il reprend ses esprits et, après avoir confectionné
un garrot de fortune, termine le boulot avant de prendre la
poudre d'escampette plus rapidement que prévu, car les policiers
qui, à cette époque, quadrillaient la ville, auraient pu être
alertés par le bruit.
Après avoir emprunté la voiture du propriétaire des lieux,
rejoint un véhicule relais, Poggioli et ses amis s'enfoncent
dans le maquis d'où, avant de regagner leur campement, ils ont
entendu l'explosion qui, vingt minutes après la pause de la
charge, faisait voler en éclats le bâtiment. Et, comme dans les
films d'aventure, le groupe de clandestins accélère l'allure en
jetant du poivre sur ses pas, histoire de perturber les
éventuels chiens policiers lancés à leur poursuite. Poggioli,
lui, perdant son sang...
Une affaire qui n'a eu aucune suite dramatique,
mais qui constitue l'une des anecdotes, trop rares, racontée par
Pierre Poggioli dans son dernier livre FLNC années 70 (1). En
effet, on le sait les ouvrages de l'ancien responsable du FLNC
(Du Journal de bord d'un nationaliste Corse à Derrière les
cagoules) sont surtout des chroniques historiques, voire des
réflexions politiques et non des « romans », alors que,
justement, la lutte armée en Corse est aussi une aventure. Une
sorte de roman historique qui n'a été raconté que par bribes par
les uns et les autres.
Dans FLNC années 70, il s'intéresse cette fois
plus particulièrement au début du nationalisme et surtout de la
clandestinité. Après avoir détaillé la rupture avec le mouvement
autonomiste à partir de l'existence des organisations étudiantes
corses, il raconte en détail la naissance de l'organisation,
d'abord sans lui, ensuite avec lui lorsqu'il en a pris la tête
après les premières vagues d'arrestations. Suit le développement
du Front, en Corse et sur le continent, les épisodes barbouzes
(affaire Bastelica-Fesch, les procès et l'histoire de sa propre
cavale). En somme le résumé de ce qui a mobilisé, pendant de
longues années, la jeunesse corse à une époque où les
clandestins pratiquaient une lutte dure, mais encore artisanale.
Ou l'argent, les pseudos-négociations et les violentes luttes
intestines ne minaient pas encore le mouvement. Même si le ver
était, sans doute, déjà dans le fruit.
(1) FLNC années 70. Edition DCL.
Gilles Millet
http://info.club-corsica.com/soc_83_018.html