Mardi 14 mai 2006 :
Alors qu'en Corse, les militants clandestins du FLNC UC
, du FLNC "du 22" et le gouvernement français sont
toujours dans une impasse, sans aucune négociation pour
un processus de paix. L'organisation politico-militaire
Basque E.T.A (Euskadi Ta Askatasuna, pays basque
et liberté) explique dans un entretien ses
positions actuelles et ces propositions pour une paix en
cours.
Cet entretien a été réalisé par
le journal Gara :
- Pourquoi maintenant ? Quelle est la différence entre
cette décision et d’autres, prises antérieurement ?
Il n’est pas suffisant d’analyser de façon arrêtée la
situation politique actuelle, il faut aussi dire que
nous nous trouvons face aux résultats et à l’œuvre de la
lutte de ces dernières années. En premier lieu, nous
voulons mettre en avant la contribution de la gauche
indépendantiste, car c’est la lutte pour la construction
et la défense du Pays basque qui a permis de créer la
situation actuelle ; c’est ce qui nous a conduit à ce
scénario. Ainsi, cela a permis de diffuser de nouvelles
consciences, et aujourd’hui nous voyons comment des
concepts et principes politiques que la gauche
indépendantiste, pendant des années, s’était vue
contrainte de défendre seule, sont aujourd’hui assumés
par de nombreux agents et partis. C’est la lutte menée
par la gauche indépendantiste qui a provoqué le
mouvement dans la position des agents et des états, et
qui a rendu possible qu’aujourd’hui se présentent de
nouvelles opportunités.
- Quelles sont, aujourd’hui, les raisons politiques
permettant de lancer un processus et qui font qu’ETA a
décidé d’un cessez-le-feu permanent ?
D’une part, nous voulons rappeler que le Pays basque,
dans son ensemble, est aujourd’hui une réalité toujours
plus acceptée, ce qui a ouvert le chemin, de façon plus
claire que jamais, à la reconnaissance politique du Pays
basque en tant que nation et peuple. Pour nous, il
existe en plus une autre raison fondamentale : l’idée
que ce sont les citoyens basques qui doivent avoir la
parole et la décision sur le futur est, elle aussi,
toujours plus acceptée. C’est l’essence, ce qui
permettra de dépasser le conflit.
Depuis que la gauche indépendantiste a rendu publique
son alternative pour un solution démocratiques, les
citoyens et les principaux agents assument le double
schéma qui devrait être développé : d’une part, le
processus politique pour décider du futur du Pays basque
; et, d’autre part, ce qui devra être entendu entre ETA
et les États. Et, finalement, ces concepts et désirs
répendus parmi les citoyens ont contribué, dans une
certaine mesure, à ce que les agents et partis bougent
dans cette même direction. Bien sûr, à ces raisons nous
ajoutons que la décision, le pas d’ETA ne s’est pas fait
dans le vide ; la volonté et les engagements exprimés
directement par différents agents ces derniers mois ont
aussi un lien avec notre décision.
- Cette volonté est apparue si importante dans les
contacts maintenus avec les agents ? Quels objectifs ETA
recherche-t-elle dans ces contacts ?
ETA maintient des contacts réguliers avec les agents du
Pays basque. Pour nous, les forces que nous considérons
comme favorables au Pays basque sont un domaine de
relations prioritaire et, ces derniers mois, nous avons
eu ces contacts. Le principal objectif des contacts que
nous avons eu ces derniers mois a été de connaître en
avant première la disposition de ces agents à mener un
processus démocratique, ainsi que les pas qu’ils
seraient disposés à faire et les engagement qu’ils
prendraient, et afin de connaître directement ces
décisions.
- Sommes-nous dans la situation politique à laquelle ETA
souhaitait parvenir ?
En réfléchissant à la situation politique, il convient
de rappeler que, de façon particulière, le Pays basque
se trouve à un moment de changements politiques ; de ce
fait, pour nous, il est important de souligner pour
quelle raison ce moment de changement est arrivé et de
rappeler les éléments qui le caractérisent. Avant tout,
il faut souligner que nous nous trouvons face à un
changement provoqué par la lutte de la gauche
indépendantiste, et que si le reste des agents et partis
a bougé dans cette direction, c’est grâce à la pression
et à la lutte menée par la gauche indépendantiste.
Si une chose est claire, c’est l’inévitable changement
politique, et il en est ainsi parce que l’effritement
des cadres qui divisent et nient le Pays basque est plus
évident que jamais. Et il porte en lui l’échec de ceux
qui imposèrent la réforme politique de l’Espagne il y a
trente ans. D’une part, parce que l’incapacité de ces
cadres pour construire le Pays basque a été démontrée.
Cet enchevêtrement juridico-politique, ils l’ont
construit pour séquestrer la liberté du Pays basque, et
par la lutte de ces années, nous avons démontré que ces
cadres ne valent rien pour libérer le Pays basque, ils
ne valent rien pour construire notre peuple.
Il est évident, de plus, que ces cadres ne servent pas à
résoudre le conflit et lui donner une issue
démocratique. Ils ne sont pas non plus valides pour
éliminer la gauche indépendantiste et en finir avec la
lutte de libération. Ce qui conduit à une conséquence
claire : le Pays basque n’a pas de futur, en tant que
peuple, au sein de l’Espagne et de la France, et que le
conflit ne peut pas se solutionner dans cette situation.
Ainsi, un changement politique des cadres imposés au
Pays basque est nécessaire, et ce changement doit être
fait entre nous tous, nous devons mettre en marche le
processus démocratique qui concrétise ce changement.
- Qui doit faire ou impulser ce changement ? A quel
moment sommes-nous ?
Nous sommes sur le point d’entrer sur le chemin qui va
du cadre d’imposition au cadre démocratique, et ce que
nous disons à tous les agents est que, étant parvenus à
ce point, aujourd’hui, nous ne pouvons pas commettre les
mêmes erreurs que celles commises il y a 30 ans. Ceux
qui affirment avoir fait, à l’époque, la « transition
démocratique », ceux qui formèrent le bloc de la
réforme, ont échoué dans leurs principaux objectifs.
Nous avons pu mesurer la portée de la fraude d’alors et
toutes ses conséquences. Et, maintenant, le moment est
arrivé de créer un véritable chemin démocratique ; la
possibilité de dépasser le conflit viendra en parcourant
ce chemin qui mène du cadre de la négation et de la
partition à la situation de reconnaissance du Pays
basque. C’est la base du moment politique actuel.
- Depuis la déclaration du cessez-le-feu cependant, et
même avant, certains soutiennent qu’il s’agit d’une
initiative née de la faiblesse et de la situation créée
par les attentats du 11 mars… Comment avez-vous reçu ces
déclarations ?
Cela fait longtemps que nous disons que ceux qui font
cette lecteur - en termes de faiblesse – des initiatives
d’ETA et des propositions lancées par la gauche
indépendantiste, en premier lieu, se trompent s’ils
veulent réaliser un diagnostique correct de la situation
et, ce qui est pire encore, si des calculs politiques
sont imposés comme base de cette réflexion, l’issue est
vouée à l’échec dans la direction que doit prendre le
processus. Si, à la place de processus visant à dépasser
le conflit, des stratégies se dessinent pour acculer la
gauche indépendantiste sur la base d’un calcul
malicieux, l’histoire nous enseigne que ce sont des
stratégies condamnées à l’échec. Beaucoup avaient
réalisé une lecture identique lors du processus de 1998,
beaucoup de pseudo intellectuels, journalistes et
politiques professionnels avaient lancé cette thèse, et
nous connaissons tous les conséquences qui en ont
résulté. Réitérer et insister sur ce mensonge, à notre
avis, est une tentative visant à alimenter des
stratégies qui ont déjà échoué.
►
Relations avec les états
- Il a été considéré, dès le début, que la déclaration
d’ETA est arrivée après des contacts et négociations
avec l’État espagnol. De fait, il y a un an, ETA a
annoncé qu’elle tentait d’ouvrir un processus de
négociation avec le Gouvernement espagnol. Quel
développement a eu cette tentative ?
En rendant cette information publique, il y a un an, ETA
n’a fait que se conformer à une attitude qu’elle a
toujours maintenue, c'est-à-dire que nous avons exprimé
notre volonté de dépasser le conflit par la négociation,
en même temps que nous avons maintenu notre lutte et
notre détermination pour dépasser le conflit entre le
Pays basque, l’Espagne et la France au travers de la
négociation et de l’accord. Durant cette dernière année,
ETA a continué à faire des pas dans cette direction,
celle de cette tentative visant à ouvrir et à développer
un processus de négociation.
- Quels contacts et quelles négociations y a-t-il eu ?
Pour nous, la discrétion est un élément basique et
indispensable dans un processus de négociation et, de ce
fait, c’est l’attitude qu’ETA a eue et aura, et nous
appelons les agents et partis à en faire autant.
- Les filtrations qui ont été faites dernièrement
ont-elles une certaine crédibilité ?
Nous voulions dénoncer ces rumeurs et filtrations qui
sont sorties ces dernières semaines dans les médias sur
le processus de négociation et les contacts qu’il y
aurait pu avoir ou non, particulièrement parce ce sont
des filtrations réalisées dans le but d’alimenter des
intérêts partisans concrets ou ceux de médias, dans
l’objectif de faire mal au processus et d’entraîner la
confusion.
- Vous avez ouvert des voies ou des espaces de contact
avec le Gouvernement français ?
Nous voulions confirmer de nouveau l’information
transmise il y a quelques mois : ETA a envoyé une lettre
au Premier ministre français, Monsieur De Villepin. Dans
cette lettre, nous montrions notre volonté de dépasser
le conflit entre le Pays basque et la France au travers
de la négociation, comme premier pas pour ouvrir une
voix de négociation, qui devrait se concrétiser en un
processus de négociation sur les façons de dépasser le
conflit.
- Vous avez reçue une réponse à cette lettre ?
Nous n’avons pas reçu de réponse officielle. Plus
encore, confirmant son attitude négative, la lettre a
filtré dans la presse après modification et manipulation
de son contenu. Le Gouvernement français doit montrer
une autre maturité et un autre sérieux pour ouvrir un
processus contribuant à donner une issue au conflit. Il
est nécessaire d’exiger de lui qu’il abandonne sa
fermeture et qu’il montre sa volonté de donner une
réponse positive.
►
Relations et positions des agents
- Comment avez-vous considéré, en termes généraux, les
réactions à votre initiative ?
Nous aimerions rappeler que l’initiative d’ETA a été
menée dans une perspective de processus, c'est-à-dire
comme une initiative liée à d’autres mouvements et non
pas comme un pas isolé.
En même temps, la majorité des agents a répondue avec
les mêmes discours qu’avant, par une réponse formulée
sur la base de leurs propres intérêts partisans, dans
l’objectif d’arrêter leur position dans le processus.
- Quelle analyse faites-vous de la réponse et de
l’attitude du PSOE ?
Le PSOE essaie de s’éloigner du centre et de la
direction du processus en Pays basque, pour que tous les
regards se tournent vers les mouvements que va faire La
Moncloa. Cette stratégie veut occulter un objectif
concret, dévier les pas que doivent faire les partis
succursales du PSOE et bloquer les pas et
responsabilités qui sont nécessaires et doivent être
assumés pour impulser le processus politique en Pays
basque. Nous voyons que les représentants du PSE et du
PSN ont laissé tout le rôle à Zapatero et comment ils
dansent au son de sa musique.
D’autre part, ils continuent, sans cesse, à imposer des
conditions à la gauche indépendantiste, au lieu de
regarder leurs propres responsabilités. Il nous semble
que c’est une attitude de chantage et de pression en
direction de la gauche indépendantiste. Le PSOE doit
être conscient que l’opportunité de dépasser le conflit
viendra du développement du processus démocratique en
Pays basque. C’est là que doivent être les bases.
Le PSE et le PSN restent, dans l’ombre de la politique
marquée par La Moncloa, et n’ont toujours pas répondu à
leur engagement pour développer le processus en Pays
basque. Ils devront le faire, tôt ou tard, pour qu’il
puisse de développer réellement.
- Que pense ETA de la réaction et de l’attitude du PNV ?
Ibarretxe a immédiatement tenté de s’approprier
l’initiative mais, pour nous, il est important de
regarder plus loin, d’observer d’où vient cette attitude
d’Ibarretxe.
Avec la publication du Plan Ibarretxe, le PNV a voulu
prendre l’incitative, pour ses intérêts bien sûr. Par
cette initiative, ils ont placé leur proposition dans la
rénovation du Statut de La Moncloa et ont cherché à
acculer la gauche indépendantiste. Mais quant il
renouvelle sa proposition de résolution, en novembre
2004, et à côté d’autres initiatives, il récupère son
initiative politique ; quand commence à se profiler une
nouvelle situation, le principal projet du PNV commence
à craqué et, ensuite le plan Ibarretxe passe à la
trappe; cela a particulièrement été prouvé lors des
élections autonomiques de 2005.
Le PNV a perdu l’initiative qu’il avait dans la période
2001-2004 et a fait un saut évident : il a mis de côté
le Plan Ibarretxe et à tenté de refaire son projet en le
plaçant derrière l’initiative marquée par la gauche
indépendantiste, passant du Plan Ibarretxe au discours
sur la table de résolution. C’était une tentative de
récupération de l’initiative visant à gagner un rôle de
protagoniste dans le processus qui s’ouvrait. Et le PNV
continue dans cette dynamique, avec la même intension.
Nous estimons que le PNV a une place dans le processus,
et c’est ainsi qu’il doit être, parce qu’il doit
présenter une contribution et est, en plus, un agent de
grande référence. Ce qu’il devrait éclaircir, c’est quel
sera le sens et la direction de cette contribution. Si
l’objectif de cette contribution est de construire un
processus démocratique entre tous et donner une réponse
réelle aux racines du conflit, c'est-à-dire ne pas
répéter les erreurs commises il y a 30 ans, elle sera la
bienvenue. Inversement, si ce qu’elle cherche et, en
l’adaptant à la situation actuelle, rechercher le même
objectif qu’ils recherchaient avec le Plan Ibarretxe, ce
que nous disons est qu’ils avancent sur un mauvais
chemin.
- A votre avis, que cherche-t-il ?
Nous voyons deux objectifs dans les mouvements réalisés
par le PNV ces dernières semaines : il veut être
l’arbitre du processus et cherche un processus adapté à
ses objectifs et intérêts. Mais le PNV ne peut pas être
l’arbitre du conflit, parce qu’il en est une des
parties. Dans tous les cas, le plus préoccupant est
encore qu’il n’a pas défini quel sera son comportement
face au processus : il ne sort toujours pas de son
ambiguïté historique. Cela entraîne diverses questions
en nous, auxquelles le PNV devrait répondre : pourquoi
n’était-il pas présent lors de la manifestation du 1er
avril, pourquoi Imaz attaque-t-il si violemment la
gauche indépendantiste, pourquoi autant de voyages à
Madrid, pourquoi tant de pactes économiques avec les
autorités de La Moncloa, pourquoi tant d’offres de
collaboration faites au Gouvernement de l’Espagne…
►
Conjoncture
- Que veut dire ETA quand elle dit « cessez-le-feu
permanent » ?
Cela exprime la solidité de la décision d’ETA, la portée
de l’engagement d’ETA et notre volonté de le mener à son
terme. Cela se fera en fonction du développement du
processus.
Cependant, certains insistent sur le fait qu’il doit
être irréversible.
Cela ne nous semble pas avoir de sens. En ce moment, à
un moment où ETA adopte une décision de telle
importance, alors qu’elle a annoncé un arrêt de ses
actions armées pour impulser le processus, prétendre
attribuer à ETA la responsabilité et essayer d’ouvrir
des débats sur cette base nous semble relever d’une
grande irresponsabilité, en plus de donner une idée du
niveau des responsables politiques qui agissent en Pays
basque, un niveau certainement très bas.
Maintenant, s’ils souhaitent ainsi exprimer que leur
engagement est définitif et que leur volonté de le
dépasser le conflit est irréversible, ils sont sur la
bonne route. A l’inverse, s’ils veulent rendre
irréversibles les décisions d’ETA sans développer un
quelconque processus démocratique, nous devons leur dire
clairement qu’ils se trompent totalement.
ETA a fait sa principale contribution à l’impulsion du
processus. Mais elle l’a fait tant par cette décision
que par la trajectoire adoptée jusqu’à maintenant. Et
nous continuerons à le faire à l’avenir. Il appartient
maintenant aux agents de concrétiser leurs engagements.
- Madrid et Lakua (en particulier le PNV) ont exigé que
le cessez-le-feu soit universel. C’est le cas ?
A ces dirigeants et partis, à ceux qui répètent cette
chanson, nous disons qu’ils connaissent les paramètres
de la décision d’ETA, ainsi que sa solidité, et ETA a
dit clairement quels sont ses engagements. Le reste, il
nous semble qu’il s’agit de discours réalisés pour la
galerie, pour justifier les actions de chacun et
confondre les citoyens. Le pire est que ces discours
sont parfois utilisés pour bloquer les pas qui doivent
être faits dans le processus, dans l’objectif d’en
conditionner ou d’en défigurer la nature même.
- Depuis que vous avez annoncé le cessez-le-feu, deux
attaques ont été enregistrées qui ont été mises en
relation avec la kale borroka : à Barañain et à Getxo.
Qu’avez-vous à dire sur ces deux attaques ?
Nous ne faisons pas de lecture de faits concrets, et
encore moins du bruit fait en fonction d’intérêts de
médias ou de partis. Nous faisons une analyse plus
générale, par exemple sur la lutte populaire et la
réponse du peuple.
- Quelle est votre analyse ?
Alors que persistent les attaques des forces armées, que
continuent les filatures et séquestrations de citoyens,
si les citoyens sont torturés dans les casernes, si la
violation des droits des prisonniers continue, si l’état
d’exception n’a pas de fin, nous croyons, pour être
clairs, que les citoyens basques doivent répondre, se
mobiliser et utiliser les moyens à leur disposition.
Nous croyons que ces attaques sont la manifestation
d’une réponse populaire. Ce qu’il nous semble nécessaire
de dénoncer est que ces partis, face à des faits de
cette nature, prétendent de nouveau attribuer la
responsabilité des affrontement à la gauche
indépendantiste. Il nous semble qu’il s’agit d’un grand
exercice d’hypocrisie, précisément parce que ce sont ces
partis qui séquestrent et torturent des citoyens basques
en regardant dans une autre direction ou, plus loin
encore, qui encouragent les forces de polices à
commettre ces attaques dans l’objectif de frapper la
gauche indépendantiste.
- Mais ETA a-t-elle une quelconque responsabilité dans
ces attaques ?
ETA n’a jamais eue, et n’a pas non plus maintenant, la
moindre responsabilité ni paternité quant à ces attaques
; mais que personne ne demande à ETA de faire le travail
du pompier face aux réponses des citoyens. Ce avec quoi
ils doivent en finir, c’est avec les attaques des états
et des forces armées.
- D’autre part, on parle beaucoup des cartes que vous
auriez, supposément, envoyées à des entreprises pour
leur demander de l’argent. Vous les avez envoyées ?
En premier lieu, nous voulions dénoncer l’intoxication
faite par les forces de police et, en même temps,
l’intérêt de certain à créer un débat basé sur ces
intoxications et provoquer la confusion dans le débat
politique.
Il est important de dire que la lutte de libération du
Pays basque a toujours entraînée différents types de
nécessités et, parmi elles, des nécessités économiques
pour faire face, d’une certaine façon, à la lutte. Et,
aujourd’hui, la lutte continue à entraîner ces
nécessités, y compris économiques. Dans cette évolution,
l’offre qu’ont fait les citoyens a été très large ; la
contribution réalisée en faveur de la lutte pour le Pays
basque a été très grande, notamment d’un point de vu
économique. Nous le comprenons comme une aide de
personnes engagées. ETA garantit que cet argent sera
utilisé en faveur de la liberté et de la construction du
Pays basque. C’est dans ce cadre que nous situons les
demandes d’argent faites par ETA.
Il nous semble que le fait que certains soient
scandalisés par les demandes d’argent faites par ETA est
un véritable exercice d’hypocrisie, alors qu’ils sont,
précisément, les partis politiques qui s’enrichissent
grâce à la corruption et aux commerces occultes, ou qui
volent des milliers de millions à la gauche
indépendantiste au travers de cautions, ou qui
conservent des milliers de millions d’amendes imposées
aux citoyens qui se mobilisent ; ou ces chefs
d’entreprises qui s’enrichissent par l’exploitation, qui
payent des milliers de millions d’impôts à l’Espagne
mais qui ne sont pas disposés à donner quoi que ce soit
en faveur du Pays basque.
- Certain, comme Ibarretxe, disent que c’est le dernier
train…
Le discours n’est pas nouveau, nous avons passé 30 ans à
entendre des choses comme ça. C’est utilisé comme une
menace envers la gauche indépendantiste, une menace
autour de la situation qui pourra venir dans le futur.
Comme à Ibarretxe, il faut dire à ceux qui utilisent le
concept de dernier train que la gauche indépendantiste a
passé de nombreuses années dans le même train, le train
de la lutte pour les droits du Pays basque, et que nous
avons l’absolue détermination de continuer dans cette
lutte jusqu’à l’obtention de la liberté pour notre
peuple, par delà les difficultés et les menaces. Mais
nous sommes, bien entendu, disposés à partager notre
voyage avec d’autres agents, et le PNV le sait. Ce qui
nous semble grave, c’est que lorsque ce qui est en jeu
est d’offrir une sortie démocratique à un conflit très
ancien, cette situation soit utilisée pour renouveler
des stratégies de menace contre la gauche
indépendantiste.
►
Vérification
- Par rapport à tout cela, le Gouvernement espagnol a
déclaré qu’avant de faire quoique ce soit, il doit
vérifier le cessez-le-feu et qu’il dispose d’instruments
et de voies pour le faire.
Avec le cessez-le-feu, ETA a fait sa contribution
fondamentale au processus, et à clairement montré la
fermeté et la portée de son engagement et de sa volonté.
Maintenant, il appartient aux autorités de La Moncloa de
prendre et de respecter ses engagements pour donner une
issue négociée au conflit. Et un de ces engagements est,
dès aujourd’hui, d’arrêter les comportements répressifs,
montrer de la volonté et faire des pas.
- Josu Jon Imaz aussi a exprimé clairement que sa
priorité est la vérification.
Certains partis mettent sans cesse des conditions. Le
PNV, surtout, doit éclaircir et vérifier ses propres
comportements, il doit apporter un éclaircissement parce
qu’il a interpellé deux citoyens basques quelques heures
seulement après l’entrée en vigueur de l’initiative
d’ETA ; ou pourquoi il continue à utiliser, même
maintenant, la police autonome pour réprimer les
citoyens basques ; ou pourquoi il continue à utiliser la
Ertzaintza comme un bras armé. Pourquoi le PNV continue
à utiliser la police autonome d’Espagne au service de
ses décisions politiques, dans une stratégie
politico-militaire. C’est ce que le PNV doit expliquer,
parce qu’il nous semble clair qu’il n’est pas possible
de garantir une situation de paix en Pays basque sans
désactiver c’est police autonome d’Espagne en tant que
force répressive.
- ETA fait-elle un type de vérification ?
Ce qui, pour nous, est clair, c’est que ce sont les
états qui doivent arrêter, et ceux qui doivent le faire
sont les reponsables des appareils, c'est-à-dire les
autorité d’Espagne et de France. La réponse d’ETA se
fera en fonction des procédés des États espagnol et
français.
- Il y a urgence à négocier ?
Quand est mentionnée l’urgence et d’autres facteurs
similaires, ce que nous croyons est qu’il est nécessaire
de faire continuellement des pas pour alimenter le
processus, aujourd’hui plutôt que demain ; le plus
important, c’est d’alimenter sans cesse le processus et,
pour cela, des pas concrets doivent être faits, sans
laisser d’option pour qu’il y ait des ralentissements,
sans laisser la possibilité qu’il puisse finalement
pourrir.
Nous ne comprenons pas pourquoi certains partis
manifestent l’intension de retarder les pas à faire dans
ce processus ; nous considérons qu’ils placent en
sous-jacent des intérêts partisans derrière cette
intension, ou l’intention et la stratégie de défaire les
positions des autres. C’est le moment pour que, dans le
cadre du processus, le conflit soit dépassé, que la
volonté montrée jusqu’à maintenant se matérialise en
faits concrets ; maintenant, c’est le moment pour
alimenter ce processus par des pas concrets et
pratiques. Pourquoi reporter à demain les engagements et
les pas qui peuvent être faits aujourd’hui ?
- Quelle analyse ETA fait-elle de certains faits arrivés
depuis le 22 mars : interpellations, contrôles
policiers, les illégalisations qui continuent… ?
Le processus nécessite certaines conditions
démocratiques de base pour pouvoir se développer. Pour
que ces conditions puissent être garanties, il est
nécessaire d’arrêter l’offensive des états, arrêter les
attitudes répressives. Cela est entre les mains des
gouvernements d’Espagne et de France : faire les pas
nécessaires pour cela. Plus encore, nous comprenons
certaines des attaques qui se sont produites comme des
attaques directement dirigées contre le processus et, en
d’autres termes, comme des attaques dirigées contre le
développement d’un processus démocratique. Entre autres
choses, parce que ce sont des séquestrations et des
obstacles dirigés directement contre des représentants
désignés par la gauche indépendantiste pour développer
le processus démocratique. Nous devons manifester avec
force le fait que les attaques qui se produisent sont
incompatibles avec un processus de résolution du conflit
et avec le développement d’un processus démocratique.
Nous devons dire clairement que si les attaques des
appareils d’état continuent, il sera impossible de
poursuivre le processus.
►
Contenu de la négociation
- Dans son initiative, ETA a directement appelé Madrid
et Paris à déclarer qu’ils accepteront les résultats du
débat démocratique qui doit avoir lieu en Pays basque
mais, pour l’instant, il n’y a pas eu de nouvelle dans
ce sens. Vous espérez que cette déclaration aura lieu ?
En quels termes devrait-elle être faite ?
Ce que les gouvernements d’Espagne et de France doivent
manifester, c’est une attitude claire pour donner une
issue au conflit pas la voie de la négociation, un
posture claire de mener un processus ayant ces
caractéristiques. D’autre part, ils doivent abandonner
leurs comportements repressifs, garantir les conditions
basiques permettant le développement du processus
démocratique, et cela exige de respecter les droits
civils et politiques de la gauche indépendantiste, en
finir avec la séquestration de citoyens basques et avec
la persécution menée par les forces de police. L’Espagne
et la France doivent prendre et respecter des
engagements de « trêve » pour que le processus puisse se
développer.
Mais les autorités d’Espagne et de France doivent
répondre à un question claire : sont-elles disposées à
respecter ce que décident les citoyens basques sur leur
futur ? Elles doivent proclamer leur volonté de retirer
toutes les limites qui s’opposent au désir et à la
décision du Pays basque.
- Le Gouvernement espagnol a dit qu’il ne paiera pas un
quelconque prix politique, et le PP met la pression dans
ce sens. ETA demande qu’un prix politique soit payé ?
Ce que leur demande ETA, c’est qu’ils mettent fin à
toutes les impositions antidémocratiques actuelles. Dit
plus clairement, qu’ils cessent d’être des états qui
causent la répression et la partition et deviennent des
états qui respectent les droits du Pays basque dans un
contexte démocratique.
Le prix, très élevé, est celui que les citoyens basques
ont dû payer durant de longues années, du fait de la
répression, du fait de l’atteinte à tous nos droits, de
l’oppression de notre identité, de l’atteinte à nos
droits linguistiques. Pour dépasser ce stade
d’oppression et reconnaître ces droits, il faut mener ce
processus.
- De quoi parlera ETA avec les États ?
Pour nous, la clef principale et la base nécessaire se
trouve dans le processus démocratique qui doit se
développer au Pays basque, et c’est là qu’il faut
parvenir à un accord principal pour dépasser le conflit,
c'est-à-dire entre agents basques. De son développement
viendra la nouvelle situation qui rendra possible une
solution au conflit. A la France et à l’Espagne, il
appartient de respecter les résultats de ce processus
démocratique.
Ainsi, la négociation que doit mener ETA avec les États
sera construite sur cette base. L’essence de la
négociation entre ETA et les États vient de ce point de
départ et, en dernière instance, l’axe principal de la
négociation se centrera sur le fait de garantir que les
États suppriment les restrictions qu’ils imposent
aujourd’hui au Pays basque. De plus, les État doivent
offrir des garanties que ce processus de déroulera sans
ingérance et sans intromission, et devront adopter des
engagements pour mettre un terme aux actions
répressives.
Sur ces bases s’ouvrira la situation permettant de
parler et de négocier sur les conséquences du conflit,
c'est-à-dire le moment de parler des prisonniers et de
la démilitarisation. Mais le point de départ, de notre
point de vue, est le premier. C’est le sens que nous
donnons aux négociations d’ETA.
- La question des prisonniers est-elle, comme le
soutiennent certains, « technique » ? Comment
intégrez-vous dans le processus la situation que vivent
les prisonniers et leurs droits ?
Les prisonniers politiques ont le droit de prendre
directement part au processus, c’est même nécessaire.
Ils doivent avoir une contribution active au processus.
Pour nous, ce n’est pas une question technique, c’est
plus, c’est une question qui concerne ETA. Les
prisonniers sont des militants politiques, militants
politiques qui sont en prison pour avoir lutté en faveur
du Pays basque et, de fait, en répondant à la question
qui les a conduit en prison, on répondra à la question
des prisonniers politiques. Et ça, dans un processus de
résolution du conflit, ça a un nom : amnistie et
excarcération des prisonniers. Mettre les prisonniers en
liberté est une condition démocratique nécessaire dans
un processus de résolution du conflit. Les militants qui
sont séquestrés sont des prisonniers que le peuple
considère comme les siens et c’est le Pays basque
lui-même qui proclame que dans une processus de
résolution, les prisonniers doivent être dans la rue. Ce
que nous disons est que les citoyens basques doivent
continuer à lutter pour l’amnistie.
Avec tout cela, nous croyons que, dès aujourd’hui, les
gouvernements de France et d’Espagne doivent faire les
pas en direction du respect des droits des prisonniers,
particulièrement dans la reconnaissance de leur statut
politique et le respect de leurs droits basiques,
surtout dans le sens de mettre fin à la situation
d’exception qui est imposée au Collectif, entre autre en
mettant un terme à la dispersion exterminatrice.
- Si un rapprochement des prisonniers est fait,
faudra-t-il l’interpréter comme un geste ?
Il n’est pas question de gestes. La question est que si
une des clefs principales du processus doit être
l’amnistie et qu’elle doit se concrétiser dans une phase
de développement du processus, alors dès aujourd’hui la
situation d’oppression que vivent les prisonniers doit
cesser et aurait même déjà dû cesser.
S’ils faisaient ce pas, ils ne feraient que désactiver
une pièce de la situation d’exception imposée au
Collectif. Ils feraient un pas de base vers le respect
des droits des prisonniers.
- Si une voie va bien mais pas l’autre, ou si une voie
va bien mais que les gouvernements disent que non, que
fera ETA ?
ETA a pris sa décision pour impulser le processus
démocratique et continuera à prendre ses décisions en
fonction du développement du processus. Ce
développement, c’est ce que nous analyserons ; nous
prendrons en compte tous les facteurs pour procéder à
cette réflexion, prenant en considération et faisant un
valorisation de toutes les pièces du processus dans son
ensemble.
►
L’état espagnol et le conflit
- Que demande exactement ETA à l’État espagnol ?
Qu’espérez-vous de Madrid ?
Aujourd’hui, nous pouvons dire que, d’une certaine
façon, il existe une démonstration de la volonté pour
solutionner le conflit par la négociation ; c’est ce qui
a été montré jusqu’à maintenant. Mais nous regardons
toujours d’avantage les faits, plus que les paroles, et
ce qu’il faut maintenant c’est concrétiser en faits
concrets cette volonté, par des engagements concrets de
la part du Gouvernement espagnol ; nous sommes
maintenant à ce moment. Pour nous, cet engagement doit
avoir deux bases principales : d’une part, respecter ce
que les citoyens basques décideront et, d’autre part,
arrêter les attaques contre le Pays basque.
De toute façon, à notre avis, il est important de
contextualiser de qui est sous-jacent après cette
démonstration et ce qui est sous-jacent après les
opportunités ouvertes pour développer le processus de
négociation. D’une part, situons ici la vieille crise de
la structuration de l’Espagne ; c'est-à-dire, le cadre
des autonomies organisé comme prison des peuples après
que le franquisme se soit effondré ; et la lutte pour
les droits du Pays basque a eu un rôle particulier dans
cet effondrement, plus particulièrement la lutte d’ETA.
En ce sens, le Gouvernement espagnol sait aujourd’hui
que l’État espagnol n’aura pas de stabilité tant qu’une
solution au conflit que vit le Pays basque n’aura pas
été trouvée. Et plus encore, l’unique façon de
stabiliser toute réforme ou changement réalisé par
l’État espagnol face au futur est de donner une solution
au conflit que vit le Pays basque.
Le Gouvernement espagnol sait que cette solution ne
pourra qu’être négociée. Parce que la trajectoire de ces
décennies et l’échec de toutes les tentatives
répressives le mène à cette conclusion. Et nous ajoutons
que le Gouvernement espagnol sait que dans ces
négociations et dans ce processus visant à résoudre le
conflit, il devra faire une réponse directe aux droits
du Pays basque.
- Quelle influence pourrait avoir un éventuel changement
de gouvernement dans l’État espagnol ?
Que ce parti soit ou non au Gouvernement, ce qui compte,
au final, c’est que c’est l’État espagnol qui doit
reconnaître, respecter et accepter les droits du Pays
basque. Si une solution démocratique est obtenue et si
le conflit entre le Pays basque et l’État espagnol est
dépassé, l’implication de l’État sera nécessaire. C’est
pourquoi la solution doit être trouvée dans une
perspective de processus.
- Que pensez-vous de l’attitude de Zapatero dans le
processus catalan ?
Pour que ce qui se fait au Pays basque soit un processus
de dépassement du conflit, ce processus doit avoir pour
résultat le respect des droits du Pays basque, la
concession d’une voie à toutes les options politiques
pour le Pays basque. Mais prétendre parvenir à une
simple réforme des statuts par des mouvements et des
pactes d’une seule partie, prétendre imposer au Pays
basque un deuxième cycle autonomique, en plus d’être une
fraude, ne ferait qu’alimenter le conflit.
►Nature
du conflit
-Qu’est-ce, pour ETA,’on appelle « processus » ? On
parle de paix, normalisation, les deux ensembles,
séparés…
Les axes que nous signalons notre déclaration sont notre
référence pour développer le processus. C'est-à-dire
qu’il faut développer un processus démocratique avec la
participation de tous les agents et en tenant compte de
l’ensemble du Pays basque. Nous nous référons au chemin
qui devrait être pris allant du cadre actuel à une
situation de reconnaissance des droits du Pays basque.
C’est ça que nous voulons impulser, et c’est là qu’il
faut avancer. En fin de compte, ce que fait ETA c’est
permettre et ouvrir toutes les portes à toutes les
options politiques pour développer le processus.
Maintenant, sans rester dans le scénario du cadre
actuel, sans les laisser fermer ces portes au processus,
l’objectif doit être de passer ces portes ouvertes et
d’entrer dans un scénario d’autodétermination et de
territorialité. Ce qu’il faut faire, c’est ce pas d’un
scénario à l’autre. C’est ce que sera, pour nous, en
définitive, mener un processus à son terme et l’unique
façon d’ouvrir le chemin à toutes les options.
- Et pour vous, qu’est-ce qu’est le processus ?
Le processus n’est pas un processus visant à construire
une fausse paix sans contenu ; il ne peut pas n’être
qu’un processus visant à intégrer la gauche
indépendantiste à la normalisation politique ; ainsi,
que personne ne pense que la gauche indépendantiste va
accepter le cadre actuel sans aucun changement
politique. Le processus ne peut pas non plus déboucher
sur le cadre actuel, il doit être mené afin d’ouvrir le
chemin à une véritable situation démocratique. Si c’est
un véritable processus, il devra parcourir ce chemin. De
ce fait, ceux qui se limitent à tenter de désactiver la
lutte armée d’ETA se trompent.
- Que faudrait-il développer aujourd’hui ?
Ce qu’il faut développer, principalement, ce sont les
éléments qui sont dans la bouche de tous les agents.
Aujourd’hui, ils sont dans la bouche de la majorité des
agents et du débat politique de toutes les composantes
pour avancer dans le processus de résolution du conflit,
et c’est ce qu’il faut développer : la reconnaissance du
Pays basque, les droits du Pays basque, la parole et la
décision et le fait que, pour cela, il faudra organiser
une consultation. Ce sont ces éléments qui doivent se
concrétiser et se développer dans le processus. Les
paramètres et les bases du débat démocratique qui doit
s’ouvrir sont là, ce sont ces éléments qui composent le
cœur du conflit.
Ainsi donc, l’accord qui devra surgir de ce processus
devra défaire ces nœuds. Ces éléments étant déjà dans le
débat politique et dans la bouche d’une majorité
d’agents, est venue l’heure de concrétiser les moments
et les pas de ce débat démocratique, l’heure de faire
des pas concrets. C’est, aujourd’hui, la nécessité de
concrétisation, avant tout. Nous dirions que le moment
est venu de donner corps à des engagements concrets dans
le processus démocratique.
- Sur le chemin, dans le parcours d’un cadre à l’autre,
apparaissent d’autres nœuds. Vous avez évoqué le fait
que le processus, en définitive, concerne le Pays
basque. Quelles difficultés attendez-vous pour intégrer
le Labour, la Soule et la Basse Navarre au processus ?
Qu’attendez-vous de l’État français, qui nie avoir un
rôle dans « la question basque » ?
En premier lieu, nous aimerions rappeler que le
cessez-le-feu d’ETA a aussi eu là-bas un large impact.
Cela a pu être observer dans les réactions à notre
décision. Dans la pratique, la décision d’ETA a eu un
effet politique. Les réactions ont été très variées.
Nous pourrions en distinguer trois : d’une part, ceux
qui ont continué, dans leurs attitudes traditionnelles
de fermeture, à soutenir l’idée que nous sommes face à
une question interne à l’Espagne et, de ce fait, que le
Gouvernement français n’a aucun pas à faire. Face à
cela, nous devons manifester clairement qu’ils ne
pourrons pas garder cette attitude pendant très
longtemps, parce que le fait de fermer les yeux ne
permet pas d’éviter le conflit. Au contraire, prétendre,
à ce moment politique et face au processus ouvert,
n’apporter aucune issue politique au conflit, cela ne
fait qu’alimenter le conflit.
D’autres part, d’autre agents ont réagit en sollicitant
le Gouvernement français pour qu’il s’implique. Dans ce
cas, il est important que nous nous entendions sur le
sens et la direction que devra prendre cette
implication. Nous voulons souligner le fait que les pas
et l’implication du Gouvernement français sont
nécessaires mais que, surtout, cette implication doit
s’orienter pour apporter une réponse aux racines du
conflit, répondre au problème politique et pas seulement
colmater ses conséquences. Clairement : ils doivent
démontrer leur disposition à respecter les droits du
Pays basque.
La réaction d’autres agents a servie à corroborer son
engagement, ajouter de l’importance à ce que les agents
basques impliquent le Labour, la Basse Navarre et la
Soule au processus du Pays basque ; et c’est le chemin
que, à notre avis, doivent parcourir les agents basques.
Finalement, nous parlons d’un processus qui doit se
développer dans tout le Pays basque, qui doit avoir une
dimension nationale et, de ce fait, il est d’une
importance vitale d’impliquer les agents de Labour,
Basse Navarre et Soule et qu’ils fassent les pas et
prennent des engagements propres face au processus.
- Comment devrait être cette implication ? Comment
devrait se concrétiser la dimension nationale du
processus ?
A notre avis, cet engagement devrait essentiellement
concrétiser autour de la reconnaissance du Pays basque,
ouvrant un débat sur cette question, impulsant sa
revendication et la revendiquant avec fermeté face au
Gouvernement français. Nous croyons que les agents
basques doivent s’impliquer ainsi. Et il faut utiliser
la situation créée par le processus pour mettre au cœur
de la politique le débat sur la reconnaissance du Pays
basque.
- La Navarre est évoquée par beaucoup de monde, et
certains semblent nerveux face à la nouvelle situation.
Sanz, par exemple…
Ce que montre Sanz est une attitude défensive – et il en
est ainsi parce qu’il a peur de l’opportunité qui peut
s’ouvrir pour que les citoyens basques décident de leur
futur – parce qu’il sait que cela est le cap du
processus.
Ce que Sanz a vu – et c’est de la que vient sa nervosité
– c’est qu’il perd l’initiative. Sanz et le Gouvernement
UPN ont centré leur projet et leur position politique
dans la réforme de l’Amejoramiento du Fuero, ils
voulaient diriger le débat politique dans ce sens et, en
ce moment, cela prend un virage, et le débat politique
est mené dans d’autres paramètres, ce qui fait que Sanz
perd l’initiative.
Miguel Sanz sait, en dernière instance, que le processus
actuel l’affecte de plein fouet. En réalité, Sanz sait
très bien quels sont les nœuds à défaire dans ce
processus et quelles sont, réellement, les clefs
politiques du processus : précisément le débat autour de
l’autodétermination et de la territorialité.
L’objectif du fasciste Sanz est de mettre un mur face à
cette opportunité de changement politique. Nous, nous
voyons dans cette attitude les messieurs de l’UPN mais,
surtout, nous les voyons totalement immergés dans le
débat politique actuel.
►
Agents et tables de négociations pour dépasser le
conflit
- La Déclaration d’Anoeta mentionne deux voies, mais il
semble que les deux sont connectées.
A notre avis, le processus doit être observé et
interprété comme un ensemble, bien que dans ce
processus il existe différents domaines visant à son
développement. En même temps, nous croyons que les pas
qui doivent être faits dans le processus, les pas qui
doivent être faits aujourd’hui même, s’alimentent
mutuellement. Il faut faire des pas dans toutes les
directions.
Les bases et les points de départ principaux du
processus sont le débat et le processus démocratique qui
doivent être impulsé au Pays basque, parce que c’est là
que les clefs de la reconnaissance des droits du Pays
basque doivent recevoir une réponse. L’accord pour la
résolution du conflit viendra de ce point de départ d’un
processus politique. Pour nous, c’est la base, et ce que
les États doivent faire c’est, sans aucune limite,
respecter les résultats de ce processus démocratique,
respecter la parole et la décision des citoyens basques.
Comme nous l’avons dit, le champ de la négociation d’ETA
se développera en fonction de ce point de départ, et
c’est pour cela que nous disons qu’il est important de
lire le processus dans son ensemble.
- Une table unique ou une table par administration.
Quelle est l’opinion d’ETA sur cette question ?
Nous pensons qu’il faut s’entendre sur cette question et
la concrétiser entre agents basques. Mais, pour nous, il
est clair que si ce débat démocratique va réellement
servir à résoudre le conflit, il devra compter sur des
bases claires et, pour qu’il en soit ainsi, il est
nécessaire que ce débat intègre la totalité du Pays
basque et, ainsi, donne une réponse directe, dès le
début du processus, à la clef qu’est la territorialité.
Cela sera un pillier impératif pour mener à son terme le
processus démocratique et pour que cet accord final
intègre les bases du conflit. Etablir, en fin de compte,
les procédures et méthodes permettant de donner la
parole et la décision aux citoyens basques.
- A votre avis, comment devrait se concrétiser
l’engagement des agents ?
Le moment de concrétiser le développement du processus
est déjà arrivé, et il revient aux agents de commencer à
donner corps à leurs engagements dans ce sens, pour
parvenir finalement à un accord répondant aux clefs du
conflit ; il faut développer, dès aujourd’hui, un
processus qui aurait pour objectif ce grand accord.
Quand nous disons que le moment de faire des pas est
arrivé, nous nous référons au fait qu’est venu le moment
de concrétiser en pas pratiques et en engagements
concrets la volonté exprimée jusqu’à maintenant.
- Et si, au cours du processus, ne sont pas reconnus
l’autodétermination et la territorialité ?
Sans défaire ces nœuds, il n’est pas possible de
dépasser le conflit, il n’est pas possible de parvenir à
une solution démocratique. Il est nécessaire de
construire le processus, dès le début, sur ces bases, et
l’accord final qui le conduit à son terme doit être une
formulation accordée sur l’autodétermination et la
territorialité, autodétermination et territorialité
étant les clefs pour dépasser un conflit vieux de
nombreuses années.
►
Citoyens
- Dans votre déclaration, vous avez fait un appel aux
citoyens basques. Que considérez-vous qu’est leur
fonction ?
La sensation de joie qui a surgit parmi les citoyens est
en lien avec le fait qu’ils sentent que toutes les
options politiques sont ouvertes au Pays basque, ainsi
qu’avec le fait qu’ils voient réellement une possibilité
que se développe un processus dans cet objectif. Pour
guider cette activation des citoyens basques, il est
nécessaire de transformer cet espoir en action ; pour
cela, les citoyens doivent être des agents de premier
ordre, ils doivent se mobiliser, ils doivent exercer une
pression populaire pour que l’espérance ouverte se
matérialise en pas concrets, pour que les droits du Pays
basque soient matérialisés. Surtout, les citoyens
doivent se placer en première ligne pour que les agents
et partis ne perdent pas cette opportunité, pour que les
agents donnent corps à leurs engagements, pour qu’ils ne
repoussent pas à plus tard les pas à faire dans le
processus. Les citoyens sont la clef pour cela, pour que
l’espérance ne se perde pas sur de faux chemins sans
futur. Parce que, en définitive, le processus commence
et fini avec les citoyens basques.
- Dans sa déclaration, ETA a fait un appel particulier à
la gauche indépendantiste.
La gauche indépendantiste doit être consciente du fait
que l’actuel opportunité politique s’est ouverte grâce à
sa lutte. Elle continuera à être la clef, l’impulsion
qui, par la lutte, fera le processus. C’est la
responsabilité de la gauche indépendantiste d’être le
moteur, comme jusqu’à maintenant. La gauche
indépendantiste doit parcourir le processus aux côtés
des citoyens et doit travailler pour impliquer les
citoyens dans le processus.
Malgré le fait qu’elle ait dû payer un grand prix pour
parvenir à cette situation, elle devra continuer à être
engagée avec la même fermeté dans la construction et la
défense du Pays basque, encore maintenant et à l’avenir.
- Les gens ne risquent-ils pas de tomber dans le
découragement si le processus est plus long que ce qui
est espéré ou s’il échoue ?
Nous croyons que l’espérance correspond aux opportunités
présentes. Mais, justement parce que nous parlons d’un
processus, il est nécessaire de faire des pas concrets
pour matérialiser cette espérance, sachant que cela
permettra de mener à son terme le processus. Pour cela,
nous avons dit qu’à ce moment, il est absolument
nécessaire que les agents fassent des pas pour alimenter
la décision d’ETA et développer le processus
démocratique.
Par rapport au terme de découragement, nous voulons dire
que, dans notre dictionnaire, il n’y a pas le mot
frustration, ce qui nous conduit à réfléchir sur le sens
de la lutte et du chemin parcouru par ce peuple lors des
dernières décennies, quelle est le sens de la
contribution faite par ETA au Pays basque. Cette
trajectoire n’a pas été frustrante pour nous. Parce que
nous la comprenons justement de façon contraire, bien
que la lutte est dure, finalement, cela a été un
processus de résistance et de lutte qui nous a conduit
maintenant à ouvrir toutes les opportunités. Ce qui
serait frustrant, ce serait de mourir au Pays basque
sans lutter. Et, de ce fait, de la même façon qu’avant,
nous confirmons notre absolue volonté de continuer à
lutter pour obtenir un peuple libre.
- Certains affirment que le processus sera long et plein
d’obstacles…
Nous avons vu comment certains partis tentent de
prolonger le plus possible les temps et phases du
processus, et c’est préoccupant. La phrase « long, dur
et difficile » est devenue célèbre. Derrière cette
phrase est masquée la volonté de retarder les avancées
du processus en fonction d’intérêts politiques concrets,
la volonté de repousser les pas qui peuvent être faits
dès aujourd’hui. De plus, quand ces responsables
politiques disent que le processus sera difficile et
dur, ils envoient un message adressé à la gauche
indépendantiste, parce qu’ils annoncent,
particulièrement pour la gauche indépendantiste, cette
dureté. Ils annoncent ces difficultés pour la gauche
indépendantiste. Ainsi, nous la comprenons comme une
menace.
►
Facteur international
- Qu’elle importance ETA donne-t-elle au facteur
international.
ETA considère de façon très positive les réactions
provoquées par son initiative sur le plan international
et la dimension couverte par ces réactions. Parce que
beaucoup de ces déclarations ont donné leur aval à une
solution négociée. Mais nous voulons souligner,
particulièrement les déclarations en faveur des droits
du Pays basque, les réactions qui ont défendu et
respecté la lutte de libération du Pays basque.
Dans tous les cas, nous considérons que ces réactions et
mouvements sont le fruit des tentatives réalisées ces
dernières années pour que la lutte du Pays basque soit
présente dans le cadre international et, en conséquence
de cela, le conflit entre le Pays basque et l’Espagne et
la France ainsi que le processus visant à dépasser ce
conflit sont aujourd’hui situés dans l’agenda
international. Et, pour nous, cela a une grande valeur.
De toute façon, il ne peut pas en être autrement, parce
que le conflit n’est pas une question qui concerne
uniquement l’Espagne et la France, il s’agit d’un
conflit qui dépasse ce cadre pour affecter directement
les institutions internationales du fait que, dans son
essence, il y a le droit d’autodétermination qui
appartient à tous les peuples. Et, dans le même temps,
parce que la reconnaissance des droits du Pays basque
exige aussi la reconnaissance et l’approbation
internationale. |