Le
20 juin 2006 : Procès d'un Peuple, le mardi 19 juin 1979, Mathieu Filidori,
militant du FLNC, lut une longue déclaration.
Durant deux heures, Matteu Filidori va
s’exprimer au nom de tous ses 21 camarades sur la question corse.
Facciu sta dichjarazione in nome di tutti i
mio fratelli di lotta, in nome di tutti i militanti di U Fronte di
Liberazione Naziunale di a Corsica, in nome di a Nazione Corsa
occupata dapoi dui seculi da l’armata francese.
« Ne reconnais jamais les Français pour
maîtres ! »
Celui qui parlait ainsi était un nationaliste
corse qui devait plus tard trahir son pays. Il s’agit de Napuleone
Bonaparte... qui s’exprimait de la sorte dans un de ses manuscrits
resté inédit.
Si nous en appelons à son témoignage, c’est
pour bien situer la date de l’agression française en Corse, et c’est
pour montrer que la réalité de l’état national corse est très proche
de nous dans le temps.
L’Histoire, falsifiée par l’occupant français,
a été réécrite de façon à occulter la conquête française ; jusqu’à
en faire une véritable délivrance. Les Corses, passant de la
tyrannie génoise au bonheur dans la citoyenneté française... Ce qui
avait été leur désir profond depuis des temps immémoriaux, disent
les historiens à la solde du pouvoir colonialiste.
La réalité historique est tout autre
— la Corse est une Nation
— la Corse est un pays occupé depuis plus de
deux siècles par les troupes françaises
— le peuple corse, après une histoire
multiséculaire faite de résistance à tous les envahisseurs, depuis
les mystérieuses statues de Filitosa, en passant par la conquête
romaine puis par les longs siècles de lutte contre la République de
Gênes, a forgé son unité et s’est constitué en Nation dès le XIVe
siècle
— son but a toujours été, dès cette époque
l’Indépendance Nationale. Cette aspiration profonde a été atteinte
au XVIIIe siècle par l’établissement d’un Etat Indépendant. Notre
République a servi de modèle aux révolutionnaires européens et même
américains, dont les peuples étaient encore en esclavage sous les
gouvernements de droit divin.
Aucun lien de vassal à suzerain n a existé
chez nous envers les seigneurs français ou les Rois de France
Nous n’avons pas participé à l’élaboration de
la Nation française Nous sommes un pays occupé.
De 1768 à 1820 nous avons résisté les armes à
la main à l’Envahisseur français.
Que l’on considère bien ces deux dates
— 1768 20 ans avant la grande Révolution
française qui devait créer la France moderne, nous avions un Etat
souverain
— 1794 5 ans après cette même
Révolution, nous brisions les chaînes coloniales en chassant les
forces d’occupation et en proclamant à nouveau l’Indépendance.
Sous l’Empire nous avons résisté. Alors que
Bonaparte laissait des traces impérissables dans l’organisation de
l’État français, notamment votre Code civil, le Peuple corse, comme
le Peuple espagnol, se battait contre l’ennemi impérialiste.
La résistance a continué jusqu’à 1820.
Il faut bien replacer la fin de l’écrasement
militaire de la Nation corse, par rapport à d’autres conquêtes, car
l’historiographie au service des Français voudrait faire de notre
Résistance une simple échauffourée un jour de mai 1769. Et encore,
il s’agissait d’un quiproquo, ajoutent-ils...
Les armées de Paoli se battaient contre les
Français, croyant que ceux-ci luttaient pour les soumettre aux
Génois ; mais, une fois le malentendu dissipé, ce fut le « bonheur »
dans la Paix française...
Non, messieurs les Français, il vous a fallu
50 ans de guerre pour briser notre Résistance. 1820, ce n’est pas
très loin dans le temps, la conquête de l’Algérie remonte à 1830.
Nous proclamons à la face du Monde, et devant
vous les Magistrats
de l’État français, que nous ne sommes
français
ni par la géographie;
ni par la langue
ni par la culture
ni par les moeurs
ni par la communauté
spirituelle;
ni par les intérêts communs,
tant économiques que stratégiques.
Et surtout pas par l’Histoire...
Nous sommes une Nation dans le plein sens du
terme, et non pas dans le sens d’une vague survivance moyenâgeuse,
comme peuvent le revendiquer certaines de vos provinces
particulières.
Nous ne sommes pas une minorité nationale
anachronique dans un État unifié, mais un pays occupé dont
l’organisation étatique souveraine a été détruite par vos armées.
« Nous allons retracer rapidement les deux
siècles de résistance du Peuple corse à l’occupation française,
puisque, pour la première fois depuis le XVI1I~ siècle, des
nationalistes corses peuvent disposer d’une Tribune dont le
retentissement sera international.
L ‘État National Corse (1 755-1769).
Au XVIIIe siècle, dans cette période de
Monarchie absolue, le Gouvernement corse était d’essence
populaire.
La souveraineté s’exerçait par l’Assemblée
Nationale (« Cunsulta ») qui se réunissait tous les ans et disposait
du Pouvoir législatif. Les représentants du Peuple étaient élus au
suffrage universel par l’ensemble des citoyens.
Les femmes avaient le droit de vote.
L’Exécutif était responsable devant
l’Assemblée, il avait le Général de la Nation à sa tête.
Une Constitution garantissait les Libertés
Publiques. (Constitution de 1755)
La Justice était populaire et indépendante de
l’Exécutif. Le Droit corse était basé sur la dignité de l’Homme et
sur la longue tradition communautaire qui établissait un très large
domaine collectif des moyens de production et d’exploitation.
Notre État disposait de tous les attributs
modernes de la Souveraineté il légiférait, il levait l’impôt, il
battait monnaie ; il disposait d’une armée régulière et populaire,
d’un commerce organisé et d’une marine de guerre.
Notre Pays s’était doté d’un enseignement
public gratuit et d’une Université de haut niveau.
Le Gouvernement informait tous les citoyens
par l’intermédiaire du « Journal Officiel ».
L’oeuvre du gouvernement national fut immense.
En quelques années, il développa l’agriculture, le commerce et il
jeta les bases d’une industrie.
L’oeuvre remarquable de la Révolution corse
fut anéantie par la conquête française.
La
Conquête Française.
Le 15 mai 1768, l’État français achetait les prétendus droits de la
République de Gênes sur la Corse. Le droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes n’était pas encore formulé à l’époque (bien qu’il ne
soit pas plus respecté de nos jours). Et pourtant de nombreux pays
protestèrent contre ce que les nationaux corses appelèrent un « vil
marché » qui consistait à traiter un Peuple libre et souverain comme
un vulgaire troupeau de moutons. Voltaire, Rousseau, écrivirent de
violents pamphlets pour clamer leur indignation contre l’invasion de
la jeune république méditerranéenne. Mais leurs échos furent
étouffés par le fracas des armes.
12 000
Corses, pratiquement désarmés, s’opposèrent à 30 000
Français qui disposaient de la plus puissante armée de l’Occident.
Il fallut plus d’un an à l’armée française
pour vaincre l’Armée nationale corse. De nombreuses batailles eurent
lieu Pontenovu, qui reste la plus connue, vit non pas l’effondrement
de l’état corse mais simplement le débordement de l’Armée populaire
épuisée et dépourvue de tout appui extérieur. Le fleuve Golu, rouge
du sang de nos martyrs, charria pendant des mois les cadavres des
soldats corses. Le pouvoir français établissait sa tyrannie sur des
milliers de morts.
Depuis cette date 9 mai 1769, les historiens
français voudraient faire croire que notre histoire est finie. La
réalité est bien différente. le Peuple corse organisa la résistance
et une puissante guerilla s’établit dans les montagnes.
Les chefs de l’expédition coloniale
ordonnèrent de tout brûler, de tout détruire et de pendre les
résistants sans jugement.
Dès cette époque, le rebut de la nation
française exploite effrontément le peuple corse. Cette expression
est due, non pas à nous, mais à des observateurs contemporains.
Au même moment, les martyrs de la Liberté
résistaient au maquis.
Les supplices et les massacres se
poursuivaient à un rythme infernal.
Circinellu, Pace Maria Falconetti, Acquaviva,
Zampaglinu Bonelli,
Nicomedu Pasqualini étaient les chefs de la
résistance.
La
Résistance.
Cette résistance débouche en 1774 sur l’insurrection générale. La
répression fut terrible des villages furent brûlés, des patriotes
pendus, des femmes violées, les enfants eux-mêmes ne furent pas
épargnés
Les Oradour sur Glane furent légion
La Civilisation française progressait à pas de
géant. Elle étendait sur la Corse son voile de mort et d’horreur.
« Oui, Messieurs les magistrats de l’État
français, et vous Messieurs les officiers supérieurs de ce Tribunal
militaire, les noms de vos généraux étaient exécrés par les Corses
— Marbeuf, Devaux, les massacreurs de
Ponte-Novu.
— Sionville, le boucher du Niolu qui
reconnaissait au premier coup d’oeil la branche qui soutiendrait
plusieurs pendus...
— Rivière, le criminel de guerre du Fiumorbu.
— Et tous les autres tortionnaires, Narbonne,
Vaubois, Laffont...
Savez-vous qu’un général français élabora le
doux projet de déporter tous les hommes dans vos anciennes colonies
d’Amérique?
De véritables camps de la mort lente furent
ouverts à Toulon et à Embrun, où des milliers de patriotes corses
moururent de torture, d’épidémie ou de faim
La lutte se poursuit jusqu’à la Révolution
française. Paoli à Londres était, déjà, le chef d’un Gouvernement
en exil... Il animait la résistance et cherchait des appuis pour
reconquérir la liberté.
La Révolution française sert également d’alibi
à certains historiens pour travestir l’histoire. Comme ils ne
veulent pas justifier la présence française en Corse par la
conquête, ils se prévalent d’un prétendu consensus corse d’adhésion
à la France concrétisé par le décret du 30 novembre 1789. Décret
voté par l’Assemblée constituante française pour incorporer la Corse
à l’Empire français. (et non pas à la Nation)
Il s’agit d’une interprétation fallacieuse
d’un phénomène qui fut général en Europe la révolution française fut
bien accueillie en Corse comme elle l’a été en Italie et en
Allemagne. Les cocardes tricolores qui ornèrent la poitrine de
certains révolutionnaires corses étaient un signe de ralliement à un
principe révolutionnaire, celui du droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes.
Principe qui, croyait-on, allait être adopté
par les nouveaux dirigeants français. En aucun cas il ne s’agit chez
nous de participer aux luttes de la bourgeoisie française en mal de
pouvoir politique. Tout ce qui était et tout ce qui est français
nous est totalement étranger. Seuls quelques traîtres, vils
intrigants à la solde de l’occupant, firent voter le décret en
question, le Peuple corse ne fut même pas informé. D’ailleurs,
L’artisanat et l’industrie naissante, fortement pénalisés par les
taxes, sont écrasés.
Écrasement de notre culture nationale
Parallèlement aux mesures destinées à ruiner
l’économie, la grande préoccupation fut de détruire la
langue et la culture corses.
L’Université fermée en 1769 n’a jamais été
réouverte, malgré les demandes incessantes du peuple corse.
Dès les premières années de la conquête, la
langue française fut imposée comme langue administrative. Mais les
Corses la repoussèrent.
Le toscan, qui
était la langue écrite, fut maintenu par les intellectuels. La lutte
culturelle permit de résister efficacement à la francisation. De
nombreux poètes et historiens, de nombreux écrivains affirmèrent
ainsi leur identité nationale.
Oppression sociale
Sur le plan administratif toutes les mesures
de libéralisation et de progrès social appliquées en France par les
Gouvernements qui suivirent la Restauration ne furent jamais
valables pour la Corse. Ainsi, le Jury criminel fut interdit, de
même que le port d’arme durant pratiquement tout le XIXC siècle.
Le banditisme remplaça la résistance organisée
il traduisit l’état de misère et d’abandon dans lequel croupissait
le Peuple corse. Il était porteur de revendication collective d’un
Pays occupé.
Les Corses ne croyaient pas en la Justice
française, elle n’était pas la leur et elle ne l’est toujours pas.
Ils ne s’y reconnaissaient pas car cette Justice est basée sur la
protection de la Propriété privée et sur la défense de toutes les
formes d’exploitation.
Notre Peuple garde dans ses institutions
communautaires le sens du collectif, l’esprit d’égalité et le sens
concret de la Liberté liés à une terre qui appartient aux
communautés villageoises.
Le « banditisme » a été aussi une forme de
rejet et de résistance à l’accaparement et à la colonisation de nos
terres qui débutèrent dès 1770. Il est le résultat de la misère et
de la déstructuration de la communauté nationale, il s’oppose de
façon rudimentaire, inconsciente et anarchique à l’Oppression
française.
Tout le XIXe et le XXC siècle furent marqués
par l’envoi de commissions d’enquêtes destinées à promouvoir une
mise en valeur de la Corse au seul profit du colon français
en 1838, le rapport « Blanqui » préconisait
une mise en valeur intensive et l’envoi de colons en Corse
en 1908, le
rapport « Delanney », connu sous le nom de « rapport Clémenceau »,
définissait notre Pays comme le plus arriéré d’Europe il n’y avait
ni eau, ni électricité, ni routes, le paludisme y sévissait,
l’espérance de vie ne dépassait pas trente ans et la mortalité
infantile atteignait de tristes records, mortalité infantile qui est
d’ailleurs demeurée supérieure à votre moyenne nationale...
notre agriculture était maintenue dans un état
d’archaïsme de par la volonté de l’occupant;
l’électricité ne fut installée qu’avec
l’arrivée des colons
notre pays est resté sous-développé, dans tous
les domaines, jusqu’en 1958.
Résistance politique et culturelle.
Sur le plan politique les patriotes corses se
regroupèrent en sociétés secrètes. Vers 1830 existait un puissant
mouvement clandestin, « I Pinnuti ».
Le manque de soutien extérieur et la
conjoncture internationale empêchèrent le développement de la lutte
armée. En 1835, Pasquale Paoli fut élu député de la Corse, alors
qu’il était mort en 1807 ! Il s’agissait d’un acte de résistance et
encore fut-il le fait d’une assemblée de notables, qui se sont le
plus souvent ralliés à l’occupant par intérêt de classe. Dans le
peuple, le souvenir du Gouvernement national se maintint intact, la
mémoire de Paoli y était vénérée.
En 1836, l’attentat du Corse Fieschi contre le
Roi Louis-Philippe peut être considéré comme une manifestation des
Pinnuti alliés des Carbonari qui étaient à l’époque le seul appui
révolutionnaire de notre environnement géographique.
Au procès de Fieschi, le procureur français
d’alors s ‘écria « Seul un étranger est capable d’un tel méfait !
»... La majorité des Corses ne participera jamais au fonctionnement
du système politique français. Les Corses créeront un contre-pouvoir
corse qui, bien que dominé par la bourgeoisie, maintiendra la
cohésion et l’esprit national. Ce contre-pouvoir s’est, par la
suite, perverti et corrompu au niveau de ses dirigeants. Les
grandes familles qui se disputaient les maigres faveurs de
l’occupant lièrent après 1870 leur sort à celui de la République
française. Le peuple jamais «Après la débâcle française de Sedan. H.
Rochefort demanda à l’Assemblée française l’exclusion de la Corse de
l’État français. En 1871 Clémenceau, au nom du « Club positiviste »,
faisait à son tour la même demande.
En Corse, l’avocat Santelli réclama au nom du
Peuple corse que l’Assemblée française rende à la Corse son
Indépendance nationale.
Une vague anti-corse déferla sur la France. Il
y eut de véritables ratonnades contre les émigrés corses. Ce racisme
anti-corse s’est maintenu.
Sur le plan culturel, vers 1870 l’oppresseur
crut triompher, car, après 100 ans d’interdiction le toscan était
pratiquement remplacé dans l’expression écrite par le français, et
la justice se rendait obligatoirement dans la langue de Marbeuf.
Seulement, il ne s’agissait que de la victoire
sur un aspect codifié et superficiel de l’expression culturelle
corse. La Culture corse, fruit de notre longue et tragique existence
de Peuple méditerranéen, est bien plus profonde. Notre civilisation
a été forgée par des siècles de fer et de sang, par des siècles de
luttes. Elle est l’expression d’un Peuple de Rebelles, d’un Peuple
de bergers et de montagnards.
Notre langue, qui s’est développée à partir
d’un fond latin et en harmonie avec lui, est une langue romane à
part entière. Elle possède une riche littérature populaire
d’expression orale, elle est la langue du Peuple.
Les Français, en s’attaquant à notre langue
qualifiée de « patois », de « mauvais italien », de « résidu
étranger » inapte à véhiculer une pensée moderne, ont voulu
détruire notre Etre Collectif.
La déportation en France ne fera qu’accentuer
le traumatisme psychologique créé par l’imposition d’une langue
étrangère. La Corse est le seul Pays de la Méditerranée à avoir subi
une colonisation culturelle et humaine aussi totale.
Notre Peuple l’exprima parfaitement dans la
maxime « Morta a lingua, mortu u populu » (la langue détruite, le
peuple est mort). C’est pourquoi la résistance linguistique
maintiendra pendant une longue période le sentiment national.
En 1896 apparut le premier journal en langue
corse. «A Tramuntana» de Santu Casanova. Cette première tentative
d’expression uniquement corse regroupa les patriotes qui, en
unifiant et en enrichissant notre littérature, ouvrirent les voies
du renouveau. Plus la francisation se développa par l’interdiction
assortie de mesures punitives du corse à l’école, par son élimination
des églises, par les refus réitérés de la réouverture de
l’Université, et plus la volonté des patriotes se renforça.
En 1904 - 1905, un journal nommé « A Corsica »
impulsa un puissant regroupement des Corses de l’île et de la
Diaspora.
Il réclamait la reconnaissance de la Nation
corse et sa devise était « Corsica farâ da sè ».
En 1914, Ghjacumu Santu Versini et Saveriu
Paoli créèrent «A Cispra », revue nationaliste qui publia un
manifeste qui fera date dans notre histoire « A Corsica ùn è micca
un dipartimentu francese, ma una nazione vinta chi da rinasce » (la
Corse n’est pas un département français, mais une Nation vaincue qui
va renaître).
Le mouvement naissant sera brisé par la guerre
de 14. Il n’avait pas assez de maturité pour s’opposer aux départs
des conscrits corses pour le front. Il laissa cependant une
empreinte profonde dans le nationalisme corse.
La «grande boucherie» avait commencé. La fleur
de la jeunesse corse sera sacrifiée pour défendre les intérêts de la
bourgeoisie française. Les régiments corses seront décimés 40 000
morts ! tel est le lourd tribut payé par le peuple corse pour
défendre les intérêts de l’impérialisme français. Nous avions perdu
14 % de notre peuple ; c’est un véritable génocide camouflé. En
France, il n’y eut que 5% de perte... Ces pourcentages démontrent
qu’il s’agit d’un véritable massacre. Les Généraux français avaient
l’ordre de leur Gouvernement de mettre les Corses, les Marocains et
les Sénégalais en première ligne.
De la « chair à canon », voilà ce que nous
étions pour la France !
Cette politique de réservoir humain, où
l’impérialisme français puisait ses hommes de troupe et ses cadres
coloniaux, se maintint jusqu’à la victoire du Peuple algérien.
Toutes les
guerres françaises furent pour nous de véritables saignées, qui,
combinées avec celles de l’exil, aboutiront à faire de notre Pays un
désert humain. 300 000 Corses seront déportés en France en un
siècle.
Sur les plans politique et culturel ils seront
désormais liés, la lutte continua après la guerre.
En 1920 apparut « A Muvra ». Ce journal
reprenait et développait le programme de « A Cispra ». Un puissant
parti politique s’organisa «Un Partitu Corsu d’Azzione» qui exigeait
la reconnaissance des droits nationaux du peuple corse.
L’entre-deux guerres fut la période d’épanouissement de notre
langue, notre Peuple réapprit son histoire et comprit que la Corse
était une colonie, au même titre que l’Algérie ou l’Indochine.
L’État français s’inquiéta de cette
puissante revendication nationale qui s’enracinait profondément dans
le peuple. Il refusa d’examiner la question corse. Il y eut de
nombreuses manifestations, de nombreux meetings politiques, et même
deux tentatives, en 1934 et 1935, de rétablir l’ancienne Assemblée
nationale corse, avec des centaines de représentants de la Nation
corse de l’île et de la Diaspora. En 1931, le pouvoir
colonialiste, craignant qu’un jour le banditisme maquisard ne servît
de point d’appui à une résistance armée, comme cela avait été le cas
en 1827 avec Tiadoru Poli, puis en 1887 avec Leandri, envoya un
véritable corps expéditionnaire pour l’écraser. Des villages entiers
furent encerclés par les troupes coloniales, des centaines de Corses
furent emprisonnés.
La
résistance au
fascisme
et au nazisme (1939-1943).
A
la veille de la deuxième guerre mondiale, la situation en Corse
était pré insurrectionnelle, le nationalisme corse qui avait grandi
s’apprêtait à porter un coup décisif à l’occupant français. Il
allait, malheureusement, rencontrer un nouvel obstacle.
Avec Mussolini, l’ancienne revendication de la
Corse terre italienne, qui remonte au Risorgimento, fut reprise avec
force. Une puissante propagande utilisait l’état d’abandon de
l’île, ainsi que les parentés linguistiques, pour attirer les
Corses. La France eut beau jeu de pratiquer l’amalgame entre le
mouvement nationaliste et quelques groupuscules pro-italiens et
fascisants. Quelques jeunes intellectuels se rallièrent à
l’Irrédentisme, croyant y trouver un remède à l’effondrement
culturel et humain.
Nous tenons à dire que la majorité des
nationalistes ne s’y rallia pas, ils condamnèrent l’irrédentisme
avec force. Quant à nous, nous condamnons sans appel les quelques
égarés qui servirent de prétexte au maintien du joug français
Notre peuple ne pouvait se retrouver dans le
régime dictatorial du « Duce » dont les conceptions blessaient
profondément nos sentiments démocratiques communautaires. Mais,
surtout, l’annexion à l’Italie aurait été la trahison de toute notre
Histoire. En réalité, la création et l’unification de l’État italien
nous était tout aussi étrangère que l’élaboration de l’État
français.
Le colonialisme français profita de la
situation, il accentua le vieux ressentiment anti-gênois pour le
transformer en racisme anti-italien ; il s’agissait d’une excellente
diversion qui détournait les Corses de leur condamnation de
l’exploitation française.
Ce fut l’origine du pseudo-serment de Bastia
de 1938, qui ne peut être considéré comme un plébiscite
pro-français. Il s’agit d’une habile manipulation du peuple corse
par l’Administration coloniale aidée en Cette mise en scène par les
notables, valets de l’occupant.
Les Corses rassemblés à Bastia n’acclamèrent
pas la France mais condamnèrent le fascisme, ce qui est tout à fait
différent...
Daladier pratiqua les mêmes pitreries en
Afrique du Nord, et pourtant vous devez connaître le statut actuel
de l’Algérie.
De 1941 à 1942 se forma le Front national,
essentiellement dirigé par les communistes corses. Des nationalistes
corses s’y rallièrent, comme le grand poète et historien Simone-Ghjuvanni
Vinciguerra qui devint l’un des chefs de la Résistance. Le PC corse
avait à sa création un caractère anti-colonialiste manifeste. Et,
sans admettre le principe de l’autodétermination pour le Peuple
corse, il reprenait les grands thèmes de la revendication
nationaliste. Notamment sur la culture corse, sur la mise en valeur,
sur le renouveau de l’intérieur, sur la nécessité d’éliminer les
notables corrompus qui servaient le colonialisme.
Les collaborateurs du colonialisme devinrent
les « collabos» du fascisme, ce sont les mêmes, qui aujourd’hui
voudraient nous donner des leçons de démocratie ! Qu’ils aient, au
moins, la pudeur de se taire
Le maire bonapartiste d’Aiacciu, Dominique
Paoli, félicitait Mussolini pour sa victoire en Éthiopie... et il
l’assurait de son total dévouement...
Le chef de clan François Pietri, héritier
spirituel du puissant clan Gavini dont le pouvoir s’est maintenu
jusqu’à nos jours, était un proche collaborateur du Maréchal Pétain.
François Pietri avait une profonde admiration pour Hitler, il
colportait dans l’île que le Fuhrer lui-même admirait le soldat
corse et que, par conséquent, le peuple corse serait admis à servir
la « race des seigneurs »...
« L’appel à l’insurrection du 9 septembre 1943
s’adressa au peuple corse et non aux Français de Corse. A la
bataille de Levie, livrée contre les troupes allemandes, les
combattants corses attaquèrent l’Africa Korps avec le seul brassard
à tête de Maure pour emblème.
« Radio-Alger elle-même reconnaissait
l’identité nationale corse en diffusant des émissions en langue
corse ; ce qui n’est plus le cas aujourd’hui avec les TF1 et autres
France-Inter... Mais il est vrai que les Français n’ont plus besoin
des Corses pour chasser les Allemands.
«Scamaroni, Giusti, Vincetti, Mondoloni sont
morts en héros pour que vive notre Peuple. Jean Nicoli, un des chefs
de notre résistance, écrivant à ses enfants avant d’être massacré
par les fascistes italiens, leur demanda de rester fidèles au
drapeau à tête de Maure et àl’idéal communiste. La Corse fut libérée
par ses fils, l’armée populaire qui prit le pouvoir à Aiacciu, faute
d’une juste appréhension de la réalité corse de la part du PC, remit
notre pays sous la tutelle française.
L’erreur des nationalistes a été, en dehors de
la fraction irrédentiste minoritaire, le caractère trop intellectuel
de leur action. Les communistes surent, eux, impulser la révolte
armée, mais ils ne perçurent pas son caractère profond qui était
national corse. Abusés par leur internationalisme et la venue
prochaine de ce qu’ils croyaient &re le grand jour de la révolution
dans l’Europe libérée, ils remirent la Corse dans les mains des
Français. En le faisant, ils brisèrent inconsciemment pour la
plupart l’espoir de tout un Peuple.
Effondrement économique et démographique (1946-1957).
Dès
1946 le chômage, la misère, l’exode, la
francisation rythmèrent à nouveau la vie de nos villages.
Le Peuple corse de 300 000 habitants en 1914
s’effondra pour ne plus représenter que 120 000 des 230 000
habitants actuels de la Corse
Cette époque fut le temps du mépris déformant
du folklore de pacotille où tout n’était que toc, depuis « la
vendetta made-in-France» jusqu’à la pseudo-roucoulade
franco-napolitaine.
Notre terre était destinée à assouvir le
besoin d’exotisme des consommateurs européens.
Pour le « français moyen », il existe un
stéréotype du Corse être agressif et paresseux, proxénète et
indiscipliné, cousin germain du mafioso sicilien. Cette image du
Corse n’est pas née par hasard, elle est au contraire le résultat
d’un long travail, notamment celui des écrivains français, depuis la
conquête. Le Corse sauvage, paresseux et cruel a été l’un des thèmes
favoris de la littérature française du XIXC siècle. Les
Chateaubriand, Balzac, Mérimée et autres Flaubert s’en donnèrent
à coeur joie.
Le XXe siècle a continué sur cette lancée, en
accentuant encore cette image du Corse par le biais des médias. Ce
racisme anti-corse atteindra son apogée dans les années 70 avec le
substitut Pagés qui, dans l’enceinte du tribunal de Nice, osa parler
dans son réquisitoire d’un chromosome corse de la criminalité
Ce chromosome qui permit sans doute à
Poniatowski d’accuser une prétendue « union corse » d’avoir la
main-mise sur le marché international de la drogue, et que par
conséquent il suffisait d’éliminer quelques Corses pour supprimer
ce fléau mondial.
Autre exemple de racisme, la tentative
d’exclusion des équipes de football corses du championnat de France
amateur, lors d’une table ronde à Montélimar, et ce à l’initiative
d’une bonne partie des dirigeants des clubs français. Il y eut aussi
les émeutes anti-corses de Lens en 1972 lors de la demi-finale de la
Coupe de France. Il y eut le comité anti-corse d’Épinay-sur-Seine
qui demandait la suppression de la cour d’Assises en Corse en raison
de l’incapacité congénitale des Corses à rendre la justice. Il nous
faut ajouter également que l’on relève des propos racistes tous les
jours dans une partie de la presse française et sur les ondes radio
de ce pays.
Les récents sondages d’opinion en France
révèlent dans une proportion importante que les Corses sont
considérés comme étrangers par les Français, ce qui d’ailleurs nous
réjouit, et est une preuve supplémentaire que le Corse est un
colonisé comme les autres dans l’esprit de la majorité des Français.
Mais quel plus bel exemple de racisme que
celui qui s’est manifesté devant cette même juridiction en 1976. Un
officier supérieur français, le Colonel Bouvet, ancien chef de la
gendarmerie en Corse, y tint des propos infamants à l’encontre de
notre Peuple. Ce « brillant officier », chef du corps
expéditionnaire de 1975, regrettait, à la barre de votre cour
d’exception, de ne pas avoir pu raser au canon la cave d’Aleria et
ainsi exterminer tous les insurgés corses qui s’y trouvaient...
Cette époque fut aussi celle du refoulement,
de la mutilation volontaire de la part de certains exilés corses
qui, écrasés par leur condition de colonisés, croyaient se libérer
en se reniant eux-mêmes, en affectant d’être plus français que les
Français.
Pendant ce temps, la plaine orientale, un
moment assainie par le DDT des troupes américaines, redevint le
domaine de l’anophèle. Le train, pour quelques ponts détruits par
les Allemands, fut supprimé de la plaine orientale. Comme après 14,
l’administration coloniale disait Partez, ici il n’y a rien à faire,
la Corse est pauvre, elle l’a toujours été, heureusement qu’il y a
la France pour vous nourrir.
Sur ce fond de marasme économique et de
chômage, lentement la lutte pour la langue et la culture permit le
regroupement des énergies pour reconstruire un Parti nationaliste.
Une des premières tentatives fut en 1955 la
revue « U Muntese »les écrivains revendiquaient alors l’application
de la loi Deixonne votée en 1951 qui assurait un enseignement
minimum des langues minoritaires de France. Le corse en avait été
exclu, certes par ostracisme pur et simple, mais surtout par une
reconnaissance implicite dans l’esprit du législateur français que
la culture corse était celle d’une Nation qu’il fallait à tout prix
anéantir.
L’enseignement véritable du corse fut pris en
main par des patriotes à partir de 1970. Ce fut le magnifique combat
de « Scola Corsa », ce fut la bataille pour la réouverture de
l’Università di Corti, et aussi l’inlassable travail des militants
pour recorsiser les noms de nos villages. Ce renouveau culturel qui
amena le mûrissement du nationalisme corse s’affirma en 1973 à
l’Universita d’Estate qui fut le lieu de rencontre de toutes les
forces combattantes de notre Peuple. La Jeunesse corse y tint un
rôle considérable, elle renoua avec les sources profondes de son
histoire. C’est à Corti que furent précisées et approfondies les
notions de Corsité et de Corsitude.
A partir de 1957, la politique française
change, les crédits arrivent, les défrichements commencent, des
routes sont ouvertes, l’électrification s’accélère, des barrages
sont construits, mais tout cela n’est pas pour les Corses. Non 1
tout cela est destiné aux « pauvres » colons français chassés
d’Afrique par les patriotes algériens.
La colonisation de peuplement a débuté, elle
sera massive.
La
colonisation de peuplement et le début du sursaut
national (1957-1975). |
Suite de la lecture
devant la cours de sureté de l'état.
Parallèlement au renouveau culturel, le traumatisme provoqué par le
déferlement des colons amena la création des premiers groupes
revendicatifs. Leurs programmes étaient purement économiques.
C’était en 1959-60, le mouvement du 29 novembre, le DIECO, le CAPCO.
Dans ces rassemblements, les élus et la moyenne bourgeoisie
détenaient la direction. L’État français les ignora et, au lieu
d’accorder une place quelconque aux Corses dans la rénovation
agricole qui avait débuté par l’intermédiaire de la SOMIVAC (société
de mise en valeur étatique créée en 1957), l’État y accentua au
contraire la venue des Français.
Il en alla
de même dans le domaine du tourisme avec la SETCO (homologue de la
SOMIVAC pour le tourisme) qui favorisa l’implantation de grandes
sociétés capitalistes franco-internationales.
Les Corses,
impuissants, assistèrent à l’accaparement des meilleures terres de
la plaine orientale et à la dépossession totale de leur côte au
profit des trusts internationaux. Les élus, qui avaient d’abord
participé aux différents mouvements revendicatifs, furent rappelés à
l’ordre. Leurs élections truquées, leurs listes électorales
gonflées, leur prébende et leur clientélisme ne leur permettaient
pas de résister davantage...
Une petite
partie de la bourgeoisie libérale abandonna les élus et se regroupa
autour de Max Simeoni qui devait fonder le CEDIC, organe
revendicatif demandant, outre un développement économique pour les
Corses, un statut spécial.
Une partie
de la diaspora intellectuelle, composée surtout d’étudiants, se
regroupa à Paris autour de I’UNEC et de l’Union Corse. Ils
constituèrent un courant nettement plus politisé et qui se voulait
socialiste.
La fusion
des deux courants amena la naissance du FRC en 1966.
En 1967,
l’ARC naissait d’une scission du FRC.
Dès 1965 les
paysans s’organisèrent en syndicat pour dénoncer les spoliations et
les discriminations dont étaient victimes les Corses exclus de la
mise en valeur de leur pays.
1969, «
Rendez-nous nos terres », crient les jeunes Corses du Fium’orbu en
occupant la mairie de Ghisonaccia. Les charges de CRS tentent de
ramener l’ordre, c’est la répression. A Portu, la même année, des
centaines de Corses barrent les routes, nouvelles charges de CRS.
Les manifestations se font de plus en plus nombreuses et sont de
plus en plus marquées par la détermination de notre Peuple.
1970,
certaines tentatives de percée sur le plan électoral échouent, car
les régionalistes ne saisissent pas encore nettement la nature du
colonialisme.
1972,
Casabianda, le fameux pénitencier agricole, est occupé. La réponse
du pouvoir ne tarde pas matraquages, charges de CRS, grenades
lacrymogènes. Mais le Peuple retrouve son passé de lutte.
Pendant ce
temps, les étudiants popularisent la lutte pour l’Università di
Corti, la FEC puis la Cunsulta di i studienti corsi multiplient les
manifestations et les occupations. « Ils se calmeront, ils sont
jeunes »,, dit-on dans les milieux colonialistes... Hélas pour
l’administration coloniale, en février 1973, la sous-préfecture de
Bastia est occupée, saccagée, le sous-préfet pris en otage et, ô
sacrilège, le drapeau corse remplace le drapeau tricolore au mât
officiel ! Le but apparent de la manifestation était d’exiger
l’arrêt du déversement des boues rouges en Méditerranée. Mais sa
signification profonde était tout autre elle avait une dimension
nationale corse.
Le FRC
apporte alors une contribution théorique importante dans l’analyse
du mécanisme colonial. « Arritti », « Populu Corsu », sont les
journaux de lutte qui mettent en pièce la propagande des trusts
français de l’information.
En 1973, « A
Chjama di u Castellare » annonce que rien ne va plus dans l’esprit
des Corses. C’est maintenant l’autonomie interne que le PPC
(successeur du FRC) réclame et que l’ARC adopte quelques mois plus
tard.
« Attention
», dit-on dans les milieux officiels « l’autonomie, c’est
l’antichambre de l’indépendance...
Toujours
cette même année, le délégué corse à la conférence internationale de
Beyrouth sur la pollution affirme «Je parle au nom d’un Peuple
muselé, la Corse est une Nation vaincue ». C’est la stupeur au Quai
d’Orsay, c’est que « ce n’est plus de l’écologie, ni du
poujadisme...
En septembre
1973, le Scarlino, bateau qui déverse les boues rouges au large des
côtes corses, est plastiqué par un commando dans un port italien.
En octobre,
ce sont cette fois les installations de la base de Sulinzara qui
sautent pour la première fois, la place forte de l’Impérialisme
français en Méditerranée est menacée. Cet attentat est revendiqué
par le FPCL (Fronte Paisanu Corsu di Liberazione) qui publiera un
programme nationaliste avancé.
« Mais c’est
du séparatisme », « il faut réprimer », ordonne-t-on à
l’Élysée. Le Conseil des ministres français ira jusqu’à se
ridiculiser en annonçant la dissolution du FPCL...
Mars 1974,
le Premier ministre de la République française vient visiter un «
département bien comme les autres ». Seulement, il est accueilli
chaleureusement par la destruction d’une Caravelle et par le
plasticage de la Sous-Préfecture de Bastia. « Bienvenue »,
lui dit Ghjustizia Paolina dans sa revendication, le peuple témoigne
par son absence des visites officielles que la voie de la lutte
armée est la sienne. Désormais, il y a deux organisations
clandestines qui préparent la lutte de libération.
« C’est
grave, mais il s’agit de menées séparatistes ultragroupusculaires
», « Le problème est économique, donc des sous et tout rentrera dans
l’ordre» espèrent les experts français...
Déjà 1970
avait vu la France « généreuse» octroyer une région corse de
programme détachée de la Provence Côte d’Azur. En 1971, un plan
d’aménagement qualifié de « plan de déménagement des Corses », fut
publié. Il prévoyait pour 1985 350 000 habitants en Corse, dont
seulement 100 000 Corses. Ce plan n’était pas une vue de l’esprit,
il y est écrit, noir sur blanc, la mort programmée de notre Peuple.
C’est la colonisation de la Mitidja avec l’ordinateur.
Mais, ce
n’est pas une surprise ; le plan de 1957 était déjà dans la parfaite
logique de la colonisation, il y avait de belles phrases du genre «
L’individualisme corse et l’absence d’initiatives économiques ne
permettent pas un développement interne... » « Les Corses manquent
d’aptitudes agricoles et industrielles ». Toujours dans ce même
plan, on parle d’introduire des « initiatives extérieures » et même,
plus clairement, de «l’introduction d’exploitants et de salariés
étrangers ».
Voilà bien
du vrai colonialisme, net et sans fioriture. En matière de
colonisation, nous aurions pu rappeler l’envoi d’Alsaciens, de
Lorrains en 1774, puis après 1830; nous pourrions tout simplement
rappeler la création des pénitenciers agricoles de Castelluciu, Coti
Chjavari et Casabianda vers 1855. Les populations de
ces régions furent chassées par l’armé d’occupation et remplacées
par des centaines de galériens. Le pénitencier de Casabianda est
toujours une réalité bien vivante avec ses 2 000 ha, avec ses
centaines d’esclaves agricoles qui triment sur nos terres pour le
profit de l’État français.
Nous
pourrions aussi citer nombre d’économistes français qui, tout au
long du XIXe siècle, ne cessèrent d’inciter leur Gouvernement à
envoyer des colons français en Corse. L’arrivée massive des colons
ne s’est faite que de nos jours car, comme disait un certain Griffon
en 1841, «l’Algérie en raison de son immense étendue sera préférable
pour nous à la Corse ».
Nous pouvons
également citer les nombreuses déclaration officielles de nos
Gouverneurs, oh pardon, de nos Préfets ; un certain Granval disait
de son palais exotique d’Aiacciu en 1878 « Je salue cette belle
colonie de Corse ». En 1964, un de vos géographes, Rondeau, dira:
«La mise en valeur de la Corse est un luxe dans lequel les Corses
n’ont rien à faire ».
1957, 1971,
c’est de l’Histoire d’aujourd’hui et vous avouerez, Messieurs les
Juges français, que pour un Département et même deux... bien
français, vous y avez d’étranges projets et des réalisations, hélas
pour vous qui prétendez juger des Français de Corse, tout à fait
coloniales. Vos écrits sont du bon, du vrai colonialisme, avec son
honnête dose de racisme et de mépris.
Vous les
anciens maîtres de l’Afrique et de l’Asie, vous avez cru que s’il ne
restait plus de «bougnoules » à faire suer en Algérie, il vous
restait au moins la Corse et la possibilité d’y transplanter les
travailleurs maghrébins, sur cette terre que vous avez vidée de ses
habitants.
Vous nous
traitez, nous nationalistes corses, de racistes, vous qui n’hésitez
pas à vous prévaloir dans vos textes officiels d’une prétendue
supériorité biologique. Vous dont la puissance et la richesse se
sont construites dans le sang, les larmes et l’exploitation des
Nations vaincues, sachez donc que les ouvriers maghrébins que vous
exploitez sans vergogne dans notre Pays ne sont pas nos ennemis, ce
sont nos frères de colonisation. Ils n’ont rien à redouter du Peuple
corse.
Sachez aussi
que le Peuple corse ne menace aucun autre Peuple. Le Peuple corse,
comme les autres Peuples méditerranéens, est hospitalier et il a
toujours accueilli et assimilé les étrangers qui désiraient
s’intégrer à lui.
Chez nous,
plus qu’ailleurs, nous respectons la vie et notre loi nationale,
c’est l’honneur. C’est-à-dire le respect de l’homme. Ce n’est pas
dans nos rangs que vous trouverez des massacreurs et des
tortionnaires.
Les Français
établis en Corse, qui n’exploitent pas les Corses et qui désirent
acquérir la nationalité corse en participant à notre lutte de
libération sont nos frères. Nous affirmons également que le Peuple
de France n’est pas un peuple ennemi. Nous ne luttons pas contre lui
car nous le considérons comme un Peuple ami, mais nous luttons
contre l’État colonialiste français.
« Nous ne
luttons pas contre l’occupant français pour nous replier sur
nous-mêmes dans une autarcie archaïque et raciste. Bien au
contraire, au lieu d’être rayés de la carte mondiale par l’État
français, nous voulons avec l’indépendance nous ouvrir sur le monde.
En 1974, la
loi « Deixonne » est appliquée à la langue corse, 23 ans après sa
promulgation en France ! Le principe de l’Université est enfin
accordé et son lieu d’implantation, grâce à la pression populaire,
sera Corti. Certains s’écrient : « C’est de la folie ! », mais, en
coulisses, on s’empresse de les rassurer : « Cette université
n’ouvrira jamais ses portes » ; c’est d’ailleurs la seule promesse
qui sera tenue... En fait, il s’agit de désamorcer la lutte
nationale corse qui est maintenant prise en compte par l’ensemble du
peuple corse, l’État colonialiste français envoie une sorte de
proconsul en janvier 1975. Il s’agissait de Libert Bou. Celui-ci
débarque en Corse auréolé de toute la puissance du conquérant. Ce
haut fonctionnaire circula beaucoup ; les journaux signalaient jour
après jour les étapes de son périple ; sur les places de nos
villages à l’agonie il promettait, il promettait... Les élus le
courtisaient c’était à qui pouvait lui arracher le plus ; lui,
condescendant et superbe, donnait audience, flattait les uns et les
autres. Il se mettait à la portée de l’indigène ; il allait faire
même mieux :11 reçut dans la capitale française une délégation de
l’ARC qui se voyait soudain, du moins certains de ses leaders l’ont
cru, reconnue comme interlocuteur valable. Quelques mois plus tard,
le schéma d’aménagement de 1971 fut rapidement replâtré. lis le
baptisèrent « Charte de Développement », c’était plus ronflant pour
les notables de l’île. Malheureusement il y a toujours les éternels
mécontents. Les clandestins dénoncèrent l’imposteur Libert Bou et
dans son manifeste de la Pentecôte Ghjustizia Paolina radicalisa la
revendication nationaliste : « La dimension politique de la Nation
corse ne se réalisera qu’au sein d’un État souverain ». Les
manifestations reprennent, un slogan devient populaire, il apparaît
sur tous les murs de Corse " I Francesi Fora" ! Il nous paraît
inutile de traduire.
Au cours
d’un débat avec des nationalistes, Libert Bou acculé s ‘écria « Même
200 000 Corses autonomistes ne sauraient modifier la Constitution ».
C’était la fin des rêves de quelques réformistes qui voulaient
modifier la Constitution française à partir de son article 72.
L’ARC avait
compris que la voie légale était une illusion. Après l’Assemblée
historique des militants en juillet 1975, la stratégie était claire
« On ne transige pas avec le colonialisme, on l’abat ! »
« Le 17
août, Edmondu Simeoni avait décidé de mettre en pratique cette
analyse. Il savait que le congrès de Corti Il serait le dernier de
l’ARC. Il fut, à ce moment de notre histoire, l’unificateur de
toutes les tendances, il sut traduire de façon courageuse le point
de non-retour qu’avait atteint notre lutte.
Devant plus
de 10 000 Corses enthousiastes, il termina son discours tandis que
les militants scandaient « I Francesi Fora » en disant « Libert Bou
nous a fermé la porte de la voie légale, nous lui répondrons : un
Révolutionnaire, ou il gagne, ou il meurt ! ».
Le 21 août
1975, la cave d’un gros colon d’Aleria était occupée par des
militants en armes. Ils s’attaquaient ainsi à tout l’édifice
colonial et non à un quelconque scandale de la vinasse, comme le
prétendirent certains qui voulaient travestir la réalité historique.
Le monde entier connaît la suite 2 000 soldats français investirent
la région d’Aleria, les autos-mitrailleuses quadrillèrent les
routes, les hélicoptères Puma déversèrent les soldats de l’ordre
français.
« Enfin ! »,
s’exclamaient les colons et les nostalgiques vétérans de l’armée
d’Afrique, ainsi que les 3000 légionnaires assassins qui occupent
nos villes, « enfin on va pouvoir les mater ».
Le 22,
l’assaut est donné, 2 gardes mobiles sont tués, un patriote est
grièvement blessé. Il s’agit de Petru Susini dont nous saluons le
sacrifice héroïque. Seul le sang-froid d’Edmondu Simeoni évita de
justesse un bain de sang plus considérable. Bravo, prince
Poniatowski, vous étiez à la hauteur des vainqueurs de Ponte Novu.
Nous tenons
aujourd’hui à rendre un vibrant hommage à Ed. Simeoni pour ce haut
fait de résistance de notre Histoire moderne.
Nous nous
souvenons également du sacrifice du militant nationaliste Ghjuvan
Bernardu Acquaviva, ce patriote atteint d’une grave maladie
abandonna son traitement médical pour rejoindre ses frères au
maquis, où il mourut à l’âge de 23 ans, Fratellu, nous ne t’avons
pas oublié, ton exemple est là pour nous guider en ces moment
décisifs de notre lutte.
Le 27 août,
le Gouvernement français a dissout l’ARC (Azzione per a Rinascita di
a Corsica). A Bastia, c’est l’émeute. Le vieux réflexe hérité des
siècles de résistance n’était pas perdu. Le Peuple a pris les armes,
ce sont de nouvelles pertes pour les forces d’occupation. Le matin
Bastia est quadrillé par les autos-mitrailleuses. Le Gouvernement
est surpris par l’intense mobilisation de cette Nation qu’il croyait
àgenoux.
Bien sûr,
les officiels français continueront à alléguer à longueur de
discours que la Corse, c’est la France.
« Oui, c’est
la France, mais cette France-là elle ressemble étrangement à celle
qui s’étendait jadis jusqu’à Tamanrassett...
« Grèves
générales, meetings, manifestations. Les syndicats corses prennent
désormais en compte tout ou partie de la revendication nationale.
Le PC corse,
après avoir condamné les actes de résistance dans les premiers jours
de l’après Aleria, approfondit son analyse et, sous la pression de
sa base militante, se rapprocha de nous.
Le PS, qui
avait commencé son évolution en 1974, adopta des positions proches
de l’autonomisme. Seulement il était, selon les vieilles habitudes
de la gauche française, en retard d’une décade.
La lutte
armée, dans les mois suivants, marqua le pas. Les structures
n’étaient pas prêtes. Les anciens cadres de l’ARC, complètement
dépassés par les événements, ne savaient que quémander la libération
d’E. Simeoni. Leur attentisme mécontenta la majorité des militants,
dont une bonne partie avait déjà pris le maquis.
Le
réformisme était mort, et ce ne sont pas les faibles organisations
légalistes APC puis UPC qui le ressusciteront. Les militants de
cette dernière organisation sont nos frères et ils nous rejoignent
de plus en plus nombreux, conscients qu’ils sont de l’impasse
légaliste.
Le
Gouvernement de la République une et indivisible se faisait toujours
des illusions. « Tout peut encore s’arranger », pensait-on à Paris.
L’Etat colonialiste parachuta alors un Préfet corse, c’était le
premier depuis plus d’un siècle. Ce traître, plein d’arrogance,
singeant ses maîtres français, croyait en imposer aux Corses par la
calomnie et l’insulte. Il osa traiter les fils de la Nation Corse de
voyous et de sardes. Injure significative et de son manque
d’argumentation, et surtout de son profond racisme.
Notre Peuple
le surnomma, avec mépris, « Rio l’Harki ».
Le
5 mai 1976, à la veille du procès d’Aleria, naissait le Fronte
di Liberazione Naziunale di a Corsica. Le 5 mai 1976, le peuple
corse émerge résolument sur la scène de l’histoire.
La majorité
des patriotes corses se sont réunis au sein du FLNC pour donner à la
lutte nationale corse sa véritable dimension.
Le temps des
ambigüités et des doubles discours est révolu.
Source photo :
Presse internet 1998, Unità Naziunale, Archives du site.
Source info : Esiliatu,
Unità Naziunale
© UNITA NAZIUNALE 1999 - 2006
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