Le
5 septembre 2007 : (12:59 Unità Naziunale,
www.unita-naziunale.org - Corse - Lutte de Masse) C’est
parce qu’il a failli mourir en Corse, au stade de Furiani en 1992,
qu’il y vit enfin. Nationaliste virtuel, il n’en est pas moins
acquis à la cause.
Samedi 21 avril 2007. Entre
l’imposante grille barrée du mot « police » qui interdit l’accès à
la partie supérieure du cours Paoli et des dizaines de manifestants
nationalistes gonflés à bloc, un drôle de bonhomme se promène
tranquillement un caméscope à la main. Il change de plan, vérifie
son appareil, effectue quelques réglages puis remarque une vieille
dame apeurée sur le trottoir. Elle tente de rejoindre le vestibule
de son immeuble. Posément, le drôle de bonhomme enfourne le
caméscope dans une des poches de sa veste, prend le bras de la dame
et la guide jusqu’au portail, indifférent aux pavés, aux grenades
lacrymogènes et aux manches à balais qui volent entre les deux
camps. Quelques mètres plus loin, l’envoyé spécial d’une chaîne de
télévision nationale interroge des confrères de la presse locale : «
C’est qui, ce dingue ? »
Pour l’état civil, le dingue
s’appelle Anthony Simonpoli, né le 10 août 1968 à Neuilly-sur-Seine,
Hauts-de-Seine, « chez Pasqua et Santini ». En terre corse, donc.
Mais depuis une dizaine d’années, les militants nationalistes le
connaissent surtout par son pseudo sur Internet : AnTo FpcL, une
référence assumée à « l’ancêtre » du FLNC et une signature
omniprésente sur tous les forums natios.
Après dix ans d’implantation
sur le web, il est devenu le maître du réseau pour les
nationalistes, visiblement rétifs à l’ère numérique. Seul, il anime
le site
www.unita-naziunale.org, « portail politique de la lutte de
libération nationale » et point de rencontre incontournable de la
natiosphère virtuelle. On s’y connecte depuis le monde entier :
Inde, Suisse, France, Espagne, Polynésie française, États-Unis,
Japon…
Son
site, un tantinet bordélique, agit comme une base de données captive
de la mémoire virtuelle du réseau. Au rayon actualité, la
marchandise habituelle des sites politiques amateurs : vidéos,
dépêches d’agence, réactions à chaud et forums où les avatars
numériques des militants, décidément plus diserts qu’en réunions de
sections, échangent points de vue et coups de gueule sur le «
mouvement national ». Mais « Unità » vaut surtout pour l’abondant
matériel de documentation que cet archiviste compulsif s’applique à
mettre en ligne à raison de trois à quatre heures de travail par
jour. Reproductions d’affiches historiques, documents de la « lutte
de libération nationale », photos d’époque, textes fondateurs,
(presque) toute l’histoire du nationalisme corse s’y retrouve
immédiatement disponible d’un seul clic.
Une simple banque d’images et
de mots ? Pas seulement. Le nom du site en dit suffisamment long sur
les intentions de son animateur. L’unité perdue, retrouvée, fragile,
chancelante des nationalistes corses : son petit Graal personnel.
Niché au cœur des pages, le mausolée numérique érigé à la mémoire
des martyrs de la cause ne fait pas dans le détail, ne distingue pas
la rose du réséda, A Cuncolta du MPA. Tous les visages de militants
tombés pour la cause s’y retrouvent – même, et surtout, les frères
ennemis de la guerre entre nationalistes. « Oui, ça a fait grincer
quelques dents, mais je ne me vois pas faire la distinction entre
les soi-disant bons et les prétendus mauvais. Santoni et Rossi aussi
étaient des militants, non ? »
Après
dix ans de présence sur le Net via divers sites, Antò joue les
oracles des réseaux : « Internet a une longueur d’avance sur la
réalité. En 1997, lorsque j’ai créé le site Libertà, j’ai pris en
compte tous les prisonniers, quelle que soit leur obédience. À
l’époque, il existait trois structures d’aide aux détenus en
fonction de leur appartenance politique. Deux ans plus tard, elles
ont fusionné en une seule association, le CAR. »
À 39 ans, il veut encore y
croire. Le mouvement nationaliste est jeune. Comme lui : un visage
lisse de poupon trop vite grandi posé sur une silhouette trapue,
éternel tee-shirt noir et chaussures de montagne façon bottes de
sept lieues.
À mille lieux des habitudes
nationalistes, il ne boit pas, interdit qu’on fume dans sa voiture,
n’apprécie pas particulièrement les ambiances de comptoir et les
chansons à boire. Depuis une paire d’années, il est aussi à
l’origine de la jurisprudence « journaliste » pendant les
manifestations. En clair : tandis que les agressions contre les
reporters se multiplient à l’occasion des manifs natios – une
dizaine de blessés en octobre 2005 pendant le conflit à la SNCM –,
il tente comme il peut d’apaiser les tensions et fait passer le mot
: on laisse bosser les journaleux. Le taux d’agressions, depuis, a
sensiblement chuté.
La politique, il l’a
découverte à Paris en fréquentant toutes les réunions de section de
tous les partis politiques, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche.
En tâtant, aussi, du « terrain ». A la fin des années quatre-vingt,
plutôt éclectique, il assure le service d’ordre fabiusien comme
celui de quelques manifs du FN. « Sans conviction, mais pour me
faire de l’argent de poche » assure-t-il. Et surtout, préparer son
retour. La Corse, c’était le paradis perdu par ses parents, « issus
de familles modestes, sans appuis ni clan et qui ont connu l’exil
parce qu’ils n’avaient pas de travail. »
Il affirme n’avoir jamais
cessé de vouloir rentrer, depuis tout gamin, lorsque les séjours
dans l’île – du côté de Solenzara, berceau familial – lui faisaient
découvrir grâce à des copains très engagés « les chants, la mémoire
et l’âme de cette terre ». Le déclic surviendra le 5 mai 1992. Il
voit ce qu’il n’aurait « jamais voulu voir ». La ferveur et la
liesse, « un peuple derrière une équipe ». Et puis plus rien. Le
noir. Comme 3 500 personnes, il supporte encore les séquelles de la
tribune effondrée de Furiani. « C’est là que j’ai vraiment pris ma
décision. Quitte à mourir, autant mourir en Corse. »
« C’est le type le plus
honnête, le plus rigoureux, le plus droit que je connaisse » résume
un ancien socio de la tribune est de Furiani. » Et pour les défauts
? « Un idéaliste ».
Au cœur d’une société corse
rongée par le cynisme et alors que le militantisme natio guigne
parfois vers la carambouille de droit commun ou l’utopie privée
d’effets, AnTo FpcL projette ses convictions dans le banal d’un
futur quotidien « où on se lèverait le matin avec le même soleil,
les mêmes paysages, les mêmes bagnoles et peut-être les mêmes
problèmes… »
Mais où « on ne lirait
plus Français sur nos cartes d’identité. »
Antoine Albertini
Source photo :
Unità Naziunale, Archives du site.
Source info : Unità Naziunale
© UNITA NAZIUNALE
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