Le
15 juin 2009 :
(13:00
Unità Naziunale,
www.unita-naziunale.org - Corse - Lutte internationale)
Au moment où je débute cet édito, l’Affaire
Bino est loin d’être élucidée. Le Parquet de Pointe-à-Pitre n’a
toujours aucune certitude sur les vrais mobiles (et les
commanditaires) de l’assassinat du syndicaliste guadeloupéen. On se
souvient que le Président de la République française, ex-ministre de
la police, ex-premier flic de France, donc mieux informé que
quiconque, avait lui-même utilisé le terme d’assassinat pour
qualifier l’acte qui avait ôté la vie à Jacques Bino, militant de la
CGTG. Depuis c’est la bouteille d’encre autour de cette affaire.
La CGTG, organisation syndicale membre du LKP, qui
entend faire la lumière sur les zones d’ombres de cet assassinat, a
bien tenté de se porter partie civile, mais le tribunal de Basse
Terre a statué négativement.
Un nègre syndicaliste CGTG-LKP, assassiné, pas de
quoi bouleverser les habitudes d’une «justice » qui sait
parfois faire preuve d’un excès de lenteur : c’est sa première
vitesse.
Or voilà que depuis 2008, deux avocats guadeloupéens
qui ont prouvé leur attachement à la cause de leur pays, deux
avocats qui souhaitent exercer leur métier avec la rigueur
nécessaires, sont victimes d’écoutes illégales. Les conversations
qu’ils échangent avec leurs clients, sont «écoutés» par les
grandes oreilles d’un petit magistrat. La règle voudrait qu’une
telle affaire, où la confidentialité professionnelle est
délibérément violée, fasse l’objet d’une plainte, puis d’une
enquête. C’est comme ça partout, sauf dans les républiques
bananières où la démocratie ne fonctionne pas.
Sarah Aristide et Patrice Tacita, naïvement
convaincus qu’ils vivent dans un pays où le droit français existe et
s’applique, déposent plainte et attendent avec sérénité que la
justice passe. Il ne se passera strictement rien. «L’affaire»
est quasiment enterrée. Toujours cette «justice» à la
vitesse lenteur. Rien là de surprenant. Nous sommes dans une
colonie, et la justice qui sévit ne peut être que coloniale. Qui
peut soutenir du contraire ?
Deuxième acte. Un an après le dépôt de leur plainte,
et suite à un passage sur les ondes de RFO, média d’Etat, après un
incroyable effet boomerang de plaignants, voilà les deux avocats du
LKP, Aristide et Tacita, accusés de «diffamation» sur la
personne d’un magistrat français du siège.
Aristide et Tacita devront les 16 et 17 juin se
rendre à Paris où un juge parisien les a convoqués pour une
imminente mise en examen. Force est de le constater : là, les choses
n’ont pas traîné. Quand nécessaire et si besoin, la «justice»
sait faire diligence. C’est sa seconde vitesse.
Pour déférer les deux avocats guadeloupéens, tout
s’accélère. La double affaire Tacita/Aristide, tout comme l’Affaire
Bino, sont des illustrations, presque académiques, de cette «justice»
à deux vitesses pratiquée par des magistrats coloniaux. Il est clair
que Sarah Aristide et Patrice Tacita n’iront pas à Paris. Ils
n’acceptent pas d’être «déportés» loin de leur pays. Ils
refusent tout «dépaysement». Les magistrats coloniaux
français iront-ils jusqu’à utiliser la force pour contraindre les
deux avocats à se rendre à Paris ? Pourquoi les magistrats ont-ils
délibérément refusé une comparution par visio conférence ?
Il paraît presqu’évident que, cent jours après la
suspension du puissant mouvement de masse qui a ébranlé le système
colonial, l’heure soit à la revanche. Les nombreux conflits sociaux
qui agitent encore le paysage social et pourrissent au soleil, sont
la preuve que, sous la poussée du MEDEF, le patronat entend
reprendre la main et ne veut plus rien lâcher. Tout est mis en œuvre
pour dénaturer l’accord Bino. Du côté des tribunaux, le souci
revanchard est tout aussi marqué. Des militants syndicalistes sont
déférés et les avocats «criminalisés». Le pouvoir colonial
qui orchestre tout cela, croit qu’après 44 jours de mobilisation, à
la veille d’une période vacancière, les capacités de (re)
mobilisation du peuple guadeloupéen sont diminuées. Les provocations
vont donc continuer… mais les colonialistes français ne savent pas
tirer les leçons de l’histoire. Ils sous-estiment toujours les
colonisés.
Elie Domota, le porte parole du LKP, a affirmé son
soutien résolu aux deux avocats et a lancé un véritable défi au
pouvoir judiciaire colonial : «Essayez d’arrêter Tacita et
Aristide !».
Le 24 juin prochain, le Congrès des élus, convoqué
par Jacques Gillot, se réunira une nouvelle fois. On annonce par
ailleurs, mais sans trop le dire, une visite de Sarkozy en
Guadeloupe, avant la fin du mois de juin : chiche alors !
Source photo :
caribcreole1, Unità Naziunale, Archives du site.
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