Injures et menaces contre les élus : un vote à main levée
dans le brouhaha. (Photo Alain Pistoresi)
Assemblée de Corse
Pour " l'échange démocratique "
A partir d'une motion communiste amendée par Corsica nazione,
les conseillers territoriaux ont condamné les injures et les
menaces les concernant - et manifesté le désir que les débats
sur l'avenir de la Corse restent sur le terrain de la
confrontation des idées
La motion du groupe communiste et démocrate de progrès
concernant les menaces et les appels à insultes sur Internet a
donné lieu à un débat qui, s'il ruisselait de bons sentiments, a
montré que les plaies nées de la confrontation des deux motions
Matignon n'étaient pas encore cicatrisées.
Qu'avait écrit Paul-Antoine Luciani ? D'une façon "
volontairement modérée et ne visant personne ", selon sa propre
expression, il demandait que l'assemblée de Corse " condamne les
appels à l'injure lancés par le moyen d'un site Internet à
l'encontre de certains élus insulaires ; les menaces à peine
voilées émises sur le même site à l'encontre des mêmes élus ".
De plus, l'assemblée devait souhaiter " que les débats sur
l'avenir de la Corse demeurent sur le seul terrain de l'échange
d'idées et de la confrontation démocratique des opinions,
excluant toutes formes de pressions, d'insultes ou de menaces ".
En ouvrant le débat, le président de l'assemblée de Corse,
José Rossi, dit ne pas pouvoir imaginer que " des pressions,
quelles qu'elles soient, puissent être exercées sur la libre
expression des membres de l'assemblée ".
Devant l'opinion
Paul-Antoine Luciani parle d'un " pilori électronique
international ", sur lequel on clouerait les élus qui ne
sont pas politiquement corrects... Dès la mise en cause publique
du site, la phrase qui insinuait une confrontation du " front du
refus " avec le FLNC a été supprimée (Note de moi: Faux,
les phrases ont été supprimée le dimanche 12 mars). Il
est donc bon, selon l'élu communiste, de prendre l'opinion
publique à témoin. Paul Ruault cite quelques qualificatifs
adressés aux tenants de la motion majoritaire : passéistes,
ringards, conjuration d'imbéciles, (Note de moi : Ils
n'étaient pas sur le site) ennemis de la Corse, responsables
des violences à venir... Il s'interroge : " A quand l'étape
suivante ? Vers quel " Pol Potisme " allons-nous ? "
Il était inévitable que l'on s'adressât aux élus
nationalistes... Paul Ruault interpelle Jean-Guy Talamoni : " Il
m'en a coûté de ne pas prendre la main que vous avez tendue...
Mais dans cette main, vous savez que vous n'avez pas toutes les
cartes ". L'élu de Corsica nazione répond : son groupe souscrit
à la seconde partie de la motion. En revanche, le début lui
paraît trop " sélectif " et ponctuel. " Lorsque les élus
nationalistes ont été l'objet d'attaques et d'insultes, nous
n'avons pas saisi l'assemblée ", dit-il. Le site Internet en
question ? " Il n'engage qu'un particulier, pas le groupe
Unità ". (Note de moi : Enfin quelqu'un qui ne dit pas
n'importe quoi sur le site !)
Nicolas Alfonsi évoque le climat malsain et le " fascisme
rampant " dans lesquels baigne la Corse. Il rappelle l'anecdote
d'Henri Bergson en 1941, allant au commissariat demander
l'étoile jaune... " Je voudrais aussi avoir ma photo avec les
autres ", dit-il. (Note de moi : Cela n'a jamais dérangé ces
braves élus de voir les jeunes corses placardés dans toute l'île
avec avis de recherche, mais dans ce cas là c'est toujours
normal)
Motion amendée
Simon Renucci ne fera décidément rien comme tout le monde : le
président du groupe Corse social démocrate dresse un amer
constat. Tout se passe comme si l'assemblée " n'était plus
légitime ". Le vote d'une motion " pas lue parce qu'elle n'était
pas attendue " a donné lieu à une dérive " qui ne témoigne pas
d'une grande maturité politique et qui laisse la démocratie
introuvable ". Il y a donc encore du pain sur la planche pour la
réconciliation et la tolérance. " En signe de protestation ",
dit Simon Renucci, " notre groupe a décidé de quitter cette
séance et de ne pas participer à la poursuite des débats avant
que la sérénité soit revenue ".
Paul Giacobbi trouve que ses collègues " ont le cuir
bien sensible ". Il déclare : " Quand on fait de la
politique, on doit supporter. J'ai été menacé de mort, atteint
dans ma vie professionnelle et dans mon honneur ; je n'en ai pas
fait tout un plat ". Comme Toussaint Luciani plus tard, il
voit dans la mise en avant d'un problème qu'il juge somme toute
dans la triste logique des choses une façon d'enrayer la
démarche en cours. " Penser que la consultation
populaire ne serait pas valable à cause de ces comportements,
c'est inadmissible ", dit-il. Pour Marie-Jean Vinciguerra,
" ceux dont le fonds de commerce était l'injure se drapent
aujourd'hui dans les valeurs républicaines ".
Même au nom des grands principes, il est difficile de faire
l'unanimité. Corsica nazione amende la motion communiste. Si la
fin reste identique, le début ne fait plus référence à Internet,
et l'assemblée de Corse " condamne d'une façon générale toutes
les injures et menaces " visant les élus.
C'est cette version amendée qui est adoptée, dans une
certaine confusion - il a fallu recommencer le vote et le
décompte plusieurs fois - par 16 voix contre 15 à la motion
originelle. Nous reviendrons demain sur la suite des débats qui
reprendront ce matin à 10 heures.
Jacques RENUCCI