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ASSEMBLEE DE CORSE
SESSION DU 25 septembre sur la
violence
INTERVENTION DE Jean-Guy TALAMONI
Nous voici, une fois de plus, dans cette enceinte réunis pour parler de violence politique. Mais si j’en crois les premiers mots qui ont été prononcés dans ce débat, notamment par M. SANTINI, je crois qu’on s’oriente vers un débat à sens unique et que l’on est ici pour évoquer une forme de violence politique, qui est une violence en réponse et qui est celle de certains nationalistes corses qui ont fait ce choix.
En revanche, on ne parle pas de la violence première, en tout cas pas à ce stade du débat.
On ne parle pas de la violence qui s’est manifestée en premier sur cette terre, il y a de cela 250 ans, qui s’est poursuivie jusqu’à nos jours et qui n’a pas cessé entre-temps.
On parle de la violence des nationalistes corses et on ne parle jamais-jamais M. SANTINI – de la violence qui consiste à débarquer dans un village, à le prendre d’assaut au petit matin, à braquer des mineurs dans leur lit.
On ne parle pas de la violence qui consiste à mettre en place un fichier génétique, sur la base d’une commission rogatoire qui n’est pas nominative, qui permet aujourd’hui de prélever de l’ADN sur n’importe quel citoyen de Corse ayant des idées nationalistes. C’est-à-dire l’institution du délit d’opinion et le fichage génétique des nationalistes corses, c’est-à-dire de plusieurs milliers de Corses aujourd’hui.
Cette violence là, on ne l’évoque pas, non. On évoque la violence en réponse des nationalistes corses.
On n’évoque pas la situation de la Corse avant que les nationalistes ne pensent à utiliser certains moyens de violence politique.
On n’évoque pas l’état de la Corse dans les années 50, alors que je vous le rappelle pas une seule bombe n’avait explosé et nous étions dans une situation dramatique au plan démographique, au plan économique, au plan social, au plan de la perte de nos valeurs culturelles. Et on voudrait nous faire croire que c’est la violence politique des nationalistes qui est à l’origine de tous les maux de la Corse d’aujourd’hui.
Je crois que, sans aller chercher un livre d’histoire, il suffit de lire les journaux d’il y a seulement quelques décennies pour se convaincre qu’il s’agit là de démonstrations particulièrement pernicieuses.
Alors nous, nous voulons aussi parler de cette violence là et nous vous demandons aussi de l’évoquer : de la violence du non-développement, de la violence de l’exil qui a été imposé à des générations de Corses, de la violence du chômage qui sévit encore aujourd’hui massivement, de la violence de la fraude électorale qui permet à certains… Oui, à certains d’entre vous d’être dans les fauteuils qu’ils occupent ici et dans des municipalités. La violence et l’arrogance des fraudeurs qui consistent à convoquer une réunion dans une commune de Haute-Corse une réunion baptisée « commission de transparence électorale » présidée par deux fraudeurs notoires, condamnés au pénal par des juridictions répressives qui ne sont tout de même pas celles des nationalistes corses, mais qui sont bien celles de l’État français que vous défendez.
Alors cette violence là, la violence de la fraude électorale, la violence du non-développement, la violence d’une langue qu’on a déracinée, celle-là elle vous est totalement étrangère !
La violence des enfants de votre peuple qu’on réveille au petit matin avec un pistolet sur la tempe, oui par des hommes en cagoule. De ces cagoules là, est-ce que vous êtes décidés à en parler aussi aujourd’hui ou bien est-ce qu’on va parler que des cagoules des nationalistes et de la violence des nationalistes ?
Alors, moi, je vous mets en garde contre la tentation qui semble aujourd’hui se faire jour de dénoncer une forme de violence et en plus pas la première, parce que je crois que véritablement cela nous conduirait totalement dans l’impasse. Les nationalistes corses n’ont cessé de tendre la main, dans cette enceinte en particulier. Nous avons joué le jeu loyalement. Il n’y a personne ici qui peut dire le contraire.
Le groupe Corsica Nazione a tendu le premier la main en 1998 à l’ensemble des élus, a reconnu leur légitimité comme élus de la Corse, comme représentants de la Corse. Parce que M. SANTINI, contrairement à ce que vous suggériez à l’instant, les nationalistes n’ont jamais eu la prétention de parler au nom de l’ensemble des Corses, mais nous parlons – et c’est notre droit – au nom des Corses qui nous ont envoyés ici, qui ont voté pour nous, et ils sont plusieurs milliers. Et nous représentons aujourd’hui une force considérable en Corse et à ce titre là, nous avons le droit de nous exprimer et le droit de représenter les Corses qui en ont décidé ainsi par leur vote.
Je crois qu’il faut dire les choses très clairement.
Lorsqu’on vient à une tribune pour mettre en cause, à mots couverts, un certain nombre de personnes qui se cacheraient paraît-il derrière l’idéologie et qui seraient simplement mues par l’appât du gain, sans doute faites-vous allusion, M. SANTINI, à certains élus proches de votre mouvance qui, effectivement, se cachent derrière leur idéologie et surtout leur mandat électif pour faire leurs affaires ? C’est sans doute à ceux là que vous faites allusion ; en tout cas je veux le croire.
Mais je pense qu’il faut aujourd’hui, de manière très claire, dire les choses.
Les nationalistes corses ont fait l’objet, à la différence des élus du clan, de multiples enquêtes préliminaires, mesures d’instruction et on n’a jamais trouvé la moindre trace du moindre enrichissement personnel.
Je crois que lorsqu’on dit des choses, il faut les dire de façon argumentée et avec les preuves à l’appui, ou alors il faut s’en dispenser.
Je vais poursuivre M. SANTINI et vous répondrez si vous en éprouvez le besoin après que j’ai fini mon intervention. Je crois que de la façon dont vous êtes intervenu, il y avait une allusion qui était certainement, dans votre esprit, très claire et j’ai préféré, pour ma part, éclaircir les choses.
Simplement pour vous dire, et j’en aurai terminé très rapidement, n’ayez crainte, M. le Président, qu’en ce qui nous concerne et nous avons bien entendu votre propos, notre responsabilité devant les nouvelles générations est engagée. Nous en avons conscience, nous nationalistes. Nos responsabilités sont engagées. Et nous sommes prêts nous, à prendre les nôtres et nous les avons prises. Et nous avons su également tendre la main.
Les nationalistes corses, réunis hier, ont dit un certain nombre de choses ensemble, même si leur union n’est pas aujourd’hui réalisée de façon définitive. Elle le sera probablement dans les semaines à venir. Ils ont décidé, les nationalistes qui représentent une fraction importante de ce peuple, de faire face ensemble à la répression débridée qui s’abat aujourd’hui sur un grand nombre de Corses. Et les dérives auxquelles j’ai fait allusion tout à l’heure, je crois que vous devriez aussi les dénoncer dans cette enceinte, car si on met la Corse en coupe réglée, c’est aussi de votre responsabilité.
Si vous vous mettez en tête de hurler avec les loups, je crois qu’à ce moment là, vous serez vraiment à côté de la plaque.
Je pense que les appels à la répression n’ont pas de place dans cette enceinte.
Oui, j’ai entendu des appels à la répression de manière extrêmement claire.
Je crois que nous sommes ici pour trouver des solutions et les solutions, ce n’est certainement pas de demander que l’on embastille à nouveau des Corses. Et c’est pourtant ce qui a été dit, bien sûr à mots voilés, et ce qu’il vous sera peut-être dit encore par des intervenants qui me suivront à cette tribune.
Nous, nous sommes prêts à prendre nos responsabilités, comme nous l’avons fait depuis 1998. Nous sommes prêts à tendre la main. Mais si l’on attend de notre part, si l’on attend de la part des nationalistes une reddition en rase campagne, je vous le dis clairement : cela ne se produira pas.
En revanche, si nous cherchons à construire ensemble, comme nous avons cherché à le faire ces dernières années. Si nous cherchons à demander ensemble à Paris de respecter ses engagements, une fois qu’ils sont pris, de respecter la volonté de l’Assemblée de Corse… Je vous rappelle à cet égard que cette assemblée avait voté un projet politique qui n’a jamais été mis en œuvre et qui n’a jamais été soumis au suffrage des Corses, celui de juillet 2000. Je vous rappelle que cette assemblée a voté à l’unanimité l’enseignement obligatoire de la langue corse, à l’unanimité en mars 2000 et qu’aujourd’hui il n’en est toujours pas question.
Quand on nous parle de démocratie et qu’on dit qu’en démocratie que seuls les moyens du vote sont admissibles. Est-ce que l’on peut parler de démocratie lorsque les décisions unanimes de cette assemblée sont traitées par le mépris par Paris ? Je vous le demande M. le Président.
Alors, si nous sommes d’accord pour parler, pour construire ensemble, pour construire un projet politique qui soit profitable à tous les Corses. Si nous sommes d’accord pour demander à Paris de tenir compte de notre avis et de ne pas traiter par le mépris les délibérations de cette assemblée, alors tout est possible.
Mais si nous voulons entrer dans une phase de confrontations, avec des appels à la répression, en pensant régler le problème corse en s’en prenant à une partie de notre peuple et à une partie qui a consenti les sacrifices les plus importants ces dernières années, à ce moment là vous nous trouverez sur votre chemin, parce qu’à ce moment là il ne s’agira plus de dialogue.
Pour notre part, nous voulons croire que la raison prévaudra dans cette enceinte et ailleurs, et que nous chercherons non pas la confrontation, mais à construire ensemble au bénéfice de tous les Corses.
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