Jean-Guy
Talamoni
5/8/2007
Meeting Ghjurnate 2007
Je voudrais, au nom de Corsica
Nazione Indipendente, remercier chaleureusement toutes les
délégations étrangères qui, cette année encore, nous ont fait
l’amitié de participer à ces Ghjurnate,
remercier également toutes les
militantes et tous les militants qui se sont donnés sans compter, et
sans lesquels ces Ghjurnate ne pourraient se tenir.
Je voudrais également envoyer un
salut fraternel à tous nos frères qui sont aujourd’hui dans les
prisons françaises ; je veux saluer leurs familles, dont la plupart
sont représentées à ces journées.
Nous saluons tous ceux qui
comparaîtront bientôt devant des juridictions françaises, nous
pensons notamment aux Marins du Pasquale Paoli, qui, pour une action
syndicale, sont promis à la Cour d’Assises ; nous pensons à Yvan
Colonna, otage de la raison - ou plutôt de la déraison - d’un état
étranger.
Nous avons également une pensée pour
tous ceux qui nous ont quittés, et tout particulièrement Ange-Marie
Tiberi. Il était un militant exemplaire, intelligent et courageux au
delà de toute mesure. Il était aussi et surtout notre ami. Il nous
manque chaque jour.
L’idée indépendantiste : une
« certaine idée de la nation »
Lors de notre dernière Assemblée
Générale, les militants de Corsica Nazione Indipendente ont demandé
à leurs responsables de faire vivre l’idée indépendantiste, et de la
populariser toujours davantage au sein du peuple corse.
Car parmi tous ceux qui défendent la
nation, il y a des options politiques et des aspirations
différentes, qui méritent d’être exprimées dans leur spécificité.
Il y a notamment les
indépendantistes, qui ont
une « certaine idée » de la nation.
Les indépendantistes sont ceux qui
pensent que la présence française en Corse n’a pas vocation à se
poursuivre jusqu’à la fin des temps, même dans le cadre d’une
autonomie.
Ils considèrent que la légalité
française n’est, sur la terre de Corse, qu’une légalité transitoire.
Ils pensent que la Corse n’est pas
une Collectivité territoriale de droit français, mais, pour
paraphraser « A Cispra » du début du XXe siècle : « Una nazione
vinta chì hà da rinasce ! »
Ils pensent que l’Assemblée de Corse
de demain n’a pas vocation à être une Assemblée territoriale mais
une Assemblée Nationale.
Les indépendantistes ne sont pas des
passéistes, ils savent que l’indépendance est une idée moderne,
adaptée aux besoins d’aujourd’hui pour des nations comme la nôtre…
Ils se souviennent des sarcasmes des
clanistes qui, dans les années 60, leurs disaient « L’indipendenza ?
È cosa manghjerete, e castagne ? » Oghje, cù a Francia, certi Corsi
un ponu mancu più manghjà e castagne…
Les indépendantistes tirent toutes
les conséquences de l’échec de la politique française en Corse, aux
plans économique, social, culturel…
Ils ont également suivi l’évolution
géopolitique de ces dernières années.
Les indépendantistes ont observé
avec attention l’adhésion à l’union Européenne de Malte, 25 fois
plus petite que la Corse.
Ils ont vu le Montenegro devenir
indépendant, il y a seulement quelques mois…
Ils savent que l’Islande, d’une
population comparable à la Corse, a su, malgré un environnement
naturel difficile, augmenter le niveau de vie de ses habitants grâce
à son statut de nation indépendante… Il est aujourd’hui l’un des
plus élevés du monde.
Les indépendantistes corses ont
enregistré avec joie le succès électoral des indépendantistes
écossais, qui participent chaque année à ces Ghjurnate
Internaziunale… Ils sont désormais le premier parti d’Ecosse.
Les indépendantistes corses ont
salué les progrès politiques des indépendantistes Tahitiens, autres
invités habituels des Ghjurnate…
Les indépendantistes corses se sont
réjouis du départ, la semaine dernière, de l’armée britannique de la
terre d’Irlande, après 38 années d’occupation.
Les indépendantistes corses
partagent avec leurs frères des autres pays en lutte, non seulement
une « certaine idée de la nation », mais également une certaine idée
de l’homme. Ils défendent les notions de liberté, de respect,
d’amitié entre les peuples…
Les indépendantistes corses
prétendent que nos vieilles nations ont droit à l’existence en tant
que telles, et non comme simples entités administratives soumises à
un droit étranger…
Les indépendantistes corses sont
ceux qui refusent d’admettre les règles du jeu imposées par
l’adversaire.
Ils se refusent à qualifier de
démocratie ce système inique qui s’est jadis imposé sur leur terre
par les armes et qui voudrait aujourd’hui, à travers ses textes et
ses administrations, en finir avec le peuple corse.
Les indépendantistes n’admettent pas
une pseudo démocratie, fondée sur des scrutins pervertis par les
pratiques frauduleuses et sur un corps électoral qui s’éloigne
chaque jour davantage de la nation corse historique.
Celle-ci, qui s’est forgée au cours
des siècles à l’aide d’apports successifs, a toujours su accueillir
de nouveaux arrivants en préservant la cohésion culturelle de
l’ensemble.
Aujourd’hui, cette cohésion
culturelle est plus que menacée car le système français s’y attaque
systématiquement et avec opiniâtreté depuis trop longtemps, en
organisant une colonisation de peuplement, en procédant à une
décorsisation des emplois, en se livrant à un accaparement de notre
terre, à un affaiblissement de notre langue et donc des valeurs
qu’elle porte…
Les indépendantistes sont ceux qui
disent que le peuple corse ne peut être confondu avec le corps
électoral actuel, produit d’une colonisation de peuplement qui vise
à diluer notre communauté nationale pour régler le problème que pose
la Corse à Paris.
Pour les indépendantistes corses, ce
corps électoral, et donc les scrutins organisés à partir de ce
dernier, sont affectés d’un vice rédhibitoire. En l’état, leurs
résultats ne peuvent être considérés par les nationaux corses comme
le reflet de la démocratie, pas plus que ne peut être reconnu le
système juridique qui en découle et la prétendue acceptation par les
Corses de ce système.
À cet égard, la France doit
reconnaître nos droits, comme elle l’a fait récemment pour le peuple
Kanak en procédant à une révision constitutionnelle relative au
corps électoral.
Les indépendantistes corses, parce
qu’ils n’admettent pas que des règles du jeu truquées soient
baptisées démocratie et que l’on prétende les imposer à tous, ne
sauraient accepter de condamner ceux qui combattent un tel système
d’oppression, quels que soient les moyens qu’ils ont choisis.
Les indépendantistes de Corsica
Nazione Indipendente réaffirment ici, solennellement, leur totale
solidarité patriotique et politique avec les militants du l’Union
des Combattants Front de Libération Nationale de la Corse.
Enfin, les indépendantistes sont
ceux qui considèrent que le problème corse n’est pas réductible à un
problème économique - qui existe bien cependant - ni même au
problème administratif de l’évolution institutionnelle de la Corse -
qui est pourtant une réalité.
Le problème corse est avant tout un
problème politique, qui doit être posé à ce niveau par une
reconnaissance sans ambiguïté de la part de la France du peuple
corse et de ses droits.
Voici donc ce qui caractérise les
indépendantistes corses de la Lutte de Libération Nationale : à la
fois l’objectif clair de souveraineté pleine et entière, mais
également un regard porté sur les différents moyens de lutte.
Ce discours, qui est le nôtre, nous
avons bien l’intention de le porter devant les Corses avec toute la
force de conviction dont nous pourrons faire preuve, mais également
face à Paris, avec une détermination sereine, mais sans faille.
Corsica Nazione Indipendente et le pôle indépendantiste
Compte tenu de l’importance de la
tâche à accomplir et de la lutte à mener dans les mois et les années
à venir, Corsica Nazione Indipendente a décidé de se redéployer sur
tous les terrains et de lancer une vaste campagne d’adhésions.
Celle-ci débute aujourd’hui même. En effet, notre parti, formation
principale du Mouvement national, constitue un instrument
indispensable à l’émancipation du peuple corse et l’épanouissement
de l’idée indépendantiste.
Nous appelons tous les Corses qui se reconnaissent dans la lutte de
libération nationale, tous les indépendantistes, à rejoindre nos
rangs, à s’investir, à militer, à mettre un peu de leur temps et de
leur énergie au service de la nation.
Par ailleurs, nous appelons toutes
les formations qui, comme la nôtre, se réclament de la Lutte de
Libération Nationale et de l’objectif d’indépendance, à constituer
un pôle indépendantiste.
Cette initiative de notre part se prolongera, dans les jours à
venir, à travers une poursuite de la concertation qui a débuté
aujourd’hui.
Les autres nationalistes
À côté de notre courant, le courant
indépendantiste de la Lutte de Libération Nationale, il en existe un
autre : autonomiste, « évolutionniste »… Il ne nous appartient pas
de le définir. C’est aux militants qui s’y reconnaissent de le
faire, de préciser leur ligne politique et de faire vivre les idées
qui leur tiennent à cœur… Au-delà des différences d’appréciation, il
est évident que ce qui nous rapproche de ces militants est
important. Ils sont nos frères. La nation a besoin de leur courant,
comme elle a besoin du nôtre.
L’Assemblée Générale de Corsica
Nazione Indipendente a décidé de mettre un terme à une confusion
préjudiciable à la lutte nationale, à une dilution des idées des uns
et des autres. Elle a voté une délibération reconnaissant que la
pluralité du mouvement national est une richesse. Celui-ci étant
représentatif de la nation, il ne saurait constituer un parti
unique.
L’Assemblée Générale de Corsica
Nazione Indipendente a en outre confirmé la nécessité d’une
véritable union de tous les nationaux, organisée autour des deux
pôles historiques du mouvement national corse. Notre engagement au
service de l’union ne saurait être mis en doute par personne. Il ne
sera pas démenti dans les mois ou les années à venir. Il va de soi
que cette union patriotique ne saurait être réduite à une alliance
électorale et institutionnelle, démarche qui a malheureusement trop
souvent eu cours.
La
situation politique corse
En Corse, le paysage politique
baigne dans la plus grande opacité. Les sigles des formations
françaises n’ont plus aucune signification, la plupart des élus d’un
même parti ayant des idées extrêmement différentes sur l’avenir de
la Corse, et parfois même sur celui de la commune ou du canton !
Bien souvent, la seule chose qui les rapproche, est la volonté de
poursuivre une carrière personnelle. À cet égard, le référendum de
2003 relatif à l’avenir institutionnel de l’île a permis de
constater que l’on trouvait, à la direction des mêmes partis, de
chauds partisans et d’irréductibles adversaires de la réforme. Sans
compter ceux qui disaient publiquement y être favorable tout en
demandant à leurs obligés de faire voter « non » !
Dans cette confusion, le mouvement
national doit savoir identifier les démarches les plus nocives, et
les combattre de façon claire et publique.
Nous prendrons simplement deux
exemples :
Monsieur Zuccarelli
a voulu, depuis plusieurs années, se présenter comme l’ennemi du
mouvement national, et même de toute idée visant au maintien du
peuple corse sur sa terre. Son Association « La Corse dans la
République » dit les choses sans ambages : elle propose simplement
de noyer le problème corse sous un flot de nouveaux arrivants. Cette
démarche est mortelle pour la Corse et il faut y mettre un terme.
C’est pourquoi Corsica Nazione Indipendente a contribué
publiquement, dans la plus grande transparence et de façon
déterminante, à la défaite d’Emile Zuccarelli aux élections
législatives. Cette offensive devra être poursuivie et menée à son
terme, jusqu’à la destruction du système Zuccarelli, déjà centenaire
et que l’on projette de confier à un nouvel héritier. Ce système
doit être détruit, car, au-delà même de ses appels quotidiens à la
répression, Monsieur Zuccarelli a bien pour projet - il ne le cache
même pas - la disparition du peuple corse et son remplacement dans
l’île par de nouveaux habitants.
Autre exemple, Camille de Rocca
Serra et sa volonté
affichée de « désanctuariser » la Corse. Il a, lui aussi, dit les
choses on ne peut plus clairement : il s’agit de recouvrir notre
pays de béton, ce qui a été évité jusqu’ici grâce à l’action des
nationaux, et tout particulièrement celle du FLNC.
Ici encore, le mouvement de
libération nationale doit demeurer le rempart qu’il a été jusqu’à
aujourd’hui, et ce au prix de multiples difficultés et de nombreux
sacrifices.
Ces deux exemples ne sont pas les
seuls que nous pouvons citer, mais ils sont tout à fait
emblématiques. Il ne s’agit pas pour nous de nous livrer à des
attaques ad hominem, mais bien d’identifier et de combattre des
démarches qui constituent un péril mortel pour le peuple corse. Dans
les mois à venir, il nous faudra nous consacrer sans répit à cette
lutte pour la survie de notre communauté historique.
Le
rapport à la France
Depuis quelques semaines, Paris
s’est donné un nouveau Président de la République et un nouveau
gouvernement. Compte tenu de l’état de délabrement de l’opposition,
ces nouveaux responsables auront toute latitude dans leur politique
à l’égard de la Corse, comme dans les autres domaines. Ce pouvoir
rarement égalé, presque absolu, ils pourront le mettre au service du
meilleur comme du pire. Et même si nous avons, par le passé, plutôt
connu le pire, nous abordons cette nouvelle période de nos relations
avec Paris avec la détermination tranquille d’un mouvement prêt à
faire face à toute situation. Comme tous les Corses, nous
espérons bien sûr que la raison finira par s’imposer et que l’on
trouvera les voies d’une sortie de crise. Toutefois, il est une
exigence au sujet de laquelle nous ne saurions transiger : le peuple
corse doit retrouver les moyens de sa survie et la maîtrise de son
devenir.
Dans cet esprit, nous avons rédigé
un projet politique en 25 points qui, bien qu’émanant d’un parti
résolument indépendantiste, ne constitue pas un projet
d’indépendance. Il s’agit d’une série de propositions pour une
avancée concrète.
S’y trouvent un certain nombre de
fondamentaux du mouvement national, mais également des dispositions
nouvelles. Ce projet pourrait servir demain de base de négociation
avec l’état français . Nous le soumettons aujourd’hui à l’opinion
corse, et tout particulièrement aux militants nationaux. Il
constitue également une initiative, un message clair à l’adresse de
Paris. Nous ouvrons aujourd’hui une voie vers un avenir d’apaisement
et de construction. À chacun de prendre ses responsabilités.
Ce projet est d’un niveau supérieur
aux accords issus du processus de Matignon car depuis 2000, la
situation de notre pays s’est aggravée, sur les plans économique,
social, culturel, politique : la dépossession de la terre, des
emplois, la précarité, le déclin de notre langue, la paralysie des
institutions corses… Ce constat appelle de toute évidence des
mesures énergiques.
Mais en même temps, il n’y a rien
dans ce projet qui soit inacceptable pour un gouvernement français
désireux de sortir de la crise. Ce projet est un compromis
historique comme l’a été, à la fin des années 90, l’accord du
Vendredi saint pour l’Irlande. Il préserve bien évidemment toutes
les possibilités d’accession future à l’indépendance, puisque tel
est – et demeure – notre objectif à terme.
À
l’adresse de notre jeunesse
Nous voudrions, pour en terminer,
nous adresser à la jeunesse de notre pays. Nous savons qu’à bien des
égards, vous pouvez être inquiets pour votre avenir et celui de la
Corse. Pourtant, l’Histoire vous offre une chance exceptionnelle,
celle de participer à la plus belle œuvre qui soit : l’œuvre de
reconstruction nationale. Issus d’une vieille nation historique
installée depuis le fonds des âges sur une terre bénie des dieux,
vous pouvez contribuer à la construction d’un pays moderne, mais qui
ne serait pas coupé de ses racines, ouvert aux autres tout en étant
lui-même, fier de son histoire et prêt à affronter l’avenir.
À nos jeunes qui éprouvent les plus
grandes difficultés, à ceux qui attendent chaque jour une lettre
d’embauche qui n’arrive pas, nous disons : « N’abdiquez pas votre
liberté en entrant dans un système clientéliste qui ne vous
réservera qu’une aumône. Battez-vous. N’acceptez pas d’être
considérés comme les laissés-pour-compte d’un département français,
alors que vous êtes l’avenir d’une nation. »
À nos étudiants, en particulier ceux
de l’Université Pasquale Paoli, nous disons : « Ne partez pas faire
votre vie professionnelle à l’étranger, comme l’ont fait trop de
Corses qui n’avaient pas le choix, mettez vos compétences au service
de votre pays, dont vous êtes l’espoir. Et surtout, battez-vous ! »
À l’ensemble de notre jeunesse nous
disons : « Battez-vous, ne renoncez jamais à être ce que vous êtes,
les filles et les fils d’une terre, d’un peuple auquel vous devez
tout et qui, aujourd’hui, menacé de disparition, attend tout de
vous ! »
Evviva
a Corsica Nazione !
Source photo :
Unità Naziunale, Archives du site.
Source info :
Unità Naziunale
© UNITA NAZIUNALE 1999 - 2007
Vos
réactions sur cet article ici :http://forucorsu.unita-naziunale.org/portal.php |