Mr
ALESSANDRI petru
Prisonnier politique
Centrale pénitentiaire
Lannemezan le 21 septembre 07
Mesdames, messieurs les conseillers,
Au mois d’avril 2007, mon fils était
interpellé, comme de nombreux patriotes, dans des
conditions devenues malheureusement courantes en Corse
et qui ne suscitent pas de votre part beaucoup de
réactions.
Jugé en comparution immédiate, il était
condamné à 15 jours de prison pour avoir jeté une pierre
sur les forces de répression, lors d’affrontements à la
fin d’une manifestation de soutien aux prisonniers
politiques.
Lors de ce procès, le procureur de la
république d’Ajaccio a prononcé un réquisitoire durant
lequel il justifie la sévérité de la condamnation par le
respect des lois républicaines et de l’état de droit.
Cet argument pourrait prêter à sourire
pour qui connaît la situation politique et économique de
la Corse.
Le procureur semble, ou feint d’ignorer
toutes les zones de non droit du type de l’île de
Cavallu, par exemple, Terre corse, annexée par l’argent
roi, à la barbe de la préfecture, de la gendarmerie et
ce avec la complicité d’élus locaux.
Mais le procès en filiation qui s’en est
suivi me laisse penser que le procureur d’Ajaccio était
sûrement plus soucieux de plaire à sa hiérarchie.
Se saisir de l’affaire Erignac pour
argumenter un réquisitoire conséquent à un jet de pierre
a choqué plus d’un observateur, d’autant que Mr le
procureur semble moins virulent dans d’autres affaires
éminemment plus sensibles.
Aujourd’hui, dans la continuation logique
de ce qui s’apparente à une vengeance d’état, on s’en
prend à mon épouse, en invoquant la responsabilité qui
est la sienne face aux parties civiles qui me sont
réclamées.
Pour information le Trésor Public réclame
à chacun des condamnés de la dite « affaire Erignac »,
150 000€ à titre de dommages et intérêts pour la
destruction de la gendarmerie de Pietrosella et pour les
préjudices occasionnés aux militaires de faction.
Comme pour tous les autres patriotes
condamnés, il nous est bien sur impossible
matériellement de payer de telles sommes, car tout
d’abord nous n’avons aucun revenu digne de ce nom.
L’administration pénitentiaire ne pouvant
nous proposer de travail suffisamment rémunérateur pour
envisager de rembourser ces dommages et intérêts.
La justice française est là, face à un
paradoxe énorme, car non seulement elle condamne des
hommes à de très lourdes peines de prison, détruisant
par là même tout lien social et familial et nous demande
ensuite de travailler à notre réinsertion et exige le
remboursement de sommes faramineuses.
Nous sommes incarcérés depuis plusieurs
années loin de notre terre au mépris même des lois
françaises et ce, malgré la motion que vous avez voté il
y a quelques années, à l’unanimité, et qui demandait
notre rapatriement en Corse.
Cet exil a un coût, car durant toutes ces
années nos familles et nos amis ont dépensé des sommes
très importantes pour nous assurer un soutien et
maintenir un lien familial.
En mandats, en déplacements ( avion,
bateau, train ), ainsi qu’en frais de séjours.
Ces sommes auraient pu effectivement
servir à rembourser cette « dette» envers l’état.
Nous avons été condamné une première fois
à de lourdes peines de prison, cette condamnation
s’accompagne d’une négation de nos engagements, car le
problème politique Corse est une notion inacceptable
pour la cour d’assises spéciale qui nous a jugé.
Faut il qu’à l’exil et l’éloignement de
notre terre, nous supportions une énième peine qui
consisterais à maintenir une épée de Damoclès au dessus
de nos tètes avec le remboursement des parties civiles.
Parties civiles qui sont exigées à chaque
demande de libération conditionnelle ou autre remises de
peines.
Nombreux seront ceux d’entre vous, qui
estimeront que nous méritons ce qui nous arrive et ne
comprendrons pas l’objet de cette lettre.
La première des raisons est de vous
informer de notre sort, à un moment ou dans un élan
unanime la classe politique corse se préoccupe du
rapprochement des prisonniers politiques.
Avec l’espoir, que cela ne soit pas une
position de circonstance, dans le calcul de futures
combinaisons politiciennes ou un moyen de se donner
bonne conscience après des années de désintérêt, voir
d’opposition.
Mais que ce rapprochement soit compris
comme faisant partie intégrante d’une solution plus
globale.
Malgré une condamnation à perpétuité, la
cour d’assises spéciale de Paris et ses juges ne m’ont
pas privé de mes droits civiques ; je participe donc,
toujours, à toutes les consultations électorales.
Et parmi ces droits, figure celui de
m’adresser aux représentants élus de mon peuple.
En tant qu’homme, citoyen, et militant.
Le 30 Août 2007, le Monde écrivait dans
son éditorial, « synthèse Corse » :
« chacun sait que depuis l’émergence du
nationalisme, les forces de l’ordre ont concentrés leurs
efforts sur les poseurs de bombes, laissant prospérer la
criminalité. Les nationalistes portent bien sur une
lourde part de responsabilité…..mais l’état ne peut pas
s’exonérer de sa part de responsabilité. En laissant
l’état de droit se déliter et les clans perdurer… »
Cet éditorial aurait mérité d’être
développé et approfondit, mais la responsabilité de la
classe politique Corse est flagrante.
Responsables ! Oui, sans aucun doute.
Vous ou vos prédécesseurs qui ont siégé
dans cet hémicycle.
Si on peut reprocher au mouvement
national corse dans son ensemble de n’avoir pas su
saisir l’opportunité politique, d’une moralisation de la
vie publique et l’occasion de faire tomber un système
claniste, pourtant si longtemps stigmatisé et condamné.
Vous êtes condamnable de le cautionner,
de l’alimenter par intérêt politicien, carriériste, par
laxisme ou tout simplement par peur de froisser le
pouvoir parisien.
Je vous ferais grâce de la liste et des
détails des dossiers que le préfet Bonnet avait mis en
évidence.
Mais combien d’entre vous pourraient
chiffrer, par exemple le gouffre financier, que sont les
filières pierre, bois, ou thermal ?
Savez vous que la station thermale de
Guagnu, a coûté plusieurs milliards de centimes et que
le conseil général de Corse du sud continue aujourd’hui
encore de renflouer la SEM chargée de sa gestion ? Et ce
pour quel résultat, économique et social ?
En terme de créations d’emplois ou
d’entreprises ?
Que penser aussi de la gestion des SIVOM ?
Qui a oublié que les malversations du
SIVOM du Nebbiu sont aujourd’hui remboursées par
les….contribuables des communes concernées.
Est il utile également de rappeler les
dossiers concernant les chambres consulaires, la CADEC
et autre SAFER ?
Dossier, qui de toute manière ont été
jeté aux oubliettes de l’histoire ; les co-responsables,
état, élus, préfecture, se sont neutralisés pour ne pas
étaler leur écrasante responsabilité sur la place
publique.
Que penser du dossier du Crédit Agricole,
qui végète dans des cartons depuis des années.
Un dossier pourtant révélateur, mais qui
sera sûrement édulcoré, et renvoyé aux calendes
grecques.
Mais, en un temps ou votre président, Mr
Sarkosy, prône et exige une politique de résultat,
L’intégrité et la crédibilité des hommes
politiques, ne serait il pas temps de traduire ces
belles paroles en actes.
Au nom d’une « ruptue » si souvent
proclamée, n’est-il pas temps de rompre avec des
pratiques clanistes et clientélistes d’un autre temps.
Afin de sortir la Corse de cet assistanat
sclérosant et de donner au citoyen les moyens de son
émancipation et de sa responsabilisation.
Aujourd’hui, devrions nous, nous
patriotes Corses et nos familles être les seuls à
continuer de payer un lourd tribu à la lutte, que nous
avons choisi de mener pour sauver notre terre, notre
langue et notre identité ?
Nous avons été pendant des décennies,
d’une certaine manière, la conscience politique de la
Corse, pour porter des revendications qui ont maintenant
trouvé leur légitimité auprès de notre peuple.
Parfois contre vents et marées.
Nous devrions peut être nous réjouir de
vous voir parler de bilinguisme, de l’Università di
Corti, de protection de l’environnement, de
développement identitaire, du rapprochement des
prisonniers politiques, etc..
Alors que certains d’entre vous y ont été
longtemps farouchement opposés.
Nous pourrions nous en réjouir, car nous
avons pour la majorité d’entre nous milité de manière
sincère et désintéressée, oui, si il n’y avait eu tant
de drames, de victimes, de familles endeuillées et si
tant de patriotes sincères ne croupissaient pas, en
exil, dans les geôles françaises.
Nous ne pouvons, et vous ne pouvez pas
refaire l’histoire, mais vous avez le pouvoir de ne pas
hypothéquer l’avenir.
Vous êtes à la fois responsables et une
partie du problème corse, même si certains d’entre vous
ont reçu ce problème en « héritage politique ». Mais
vous êtes aussi, sûrement, une partie de la solution.
Une solution politique globale, mais qui
devra s’accompagner d’un changement des mentalités. Et
non pas, par un énième saupoudrage financier du type
PEI, car la Corse n’a pas manqué de moyens depuis….
Il faudra enfin comprendre la différence
qu’il existe entre développement économique, intérêt
collectif et enrichissement personnel et carriérisme.
Mais, il est en tout cas inconcevable de
penser qu’aujourd’hui les hommes et les femmes qui ont
porté le flambeau de la lutte ne fasse pas partie de
cette solution.
Sans préjuger de ce que sera la nouvelle
donne politique, du changement de pouvoir en France et
avec la tenue d’un conseil des ministres décentralisé en
Corse, elle pèsera lourd dans les mois à venir.
A condition de se débarrasser de ce
préalable contradictoire qui consiste à ne pas vouloir
discuter avec ceux qui ne condamne pas la violence,
alors que ce même pouvoir, et Mr Sarkosy négocient sans
aucun état d’âme, avec les dirigeants Libyens la
libération des infirmières bulgares, avec les Talibans
pour des libérations d’otages, alors que l’armée
française intervient en Afghanistan.
Tente de négocier la libération d’Ingrid
Betancourt, avec les FARC Colombiennes, alors que cette
armée figure sur la liste de « l’axe du mal » éditée par
les Etats Unis.
A l’instar d’autres régions comme la
Catalogne ou la Sardaigne plus proche de nous,
l’accession de la Corse à plus de souveraineté est
inéluctable, je souhaiterais afin d’éviter à l’avenir
d’autres drames et d’autres conflits, que tous les élus
Corses toutes étiquettes confondues, fassent preuve de
clairvoyance et de courage politique pour hisser la
Corse à la hauteur des enjeux qui l’attendent et offrir
à notre jeunesse des lendemains pus sereins.
Hè sempre tempu .
Sentimenti Corsi
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